Principales orientations du 14ème plan quinquennal chinois

Réaction économique
Asie

La Chine a publié le 12 mars son 14ème plan quinquennal pour la période 2021-2025 à l’occasion de la réunion annuelle de l’Assemblée populaire nationale, l’organe législatif de la Chine.

La publication de ce plan intervient à un moment particulièrement décisif, alors que la Chine sort de la crise déclenchée par la Covid-19 et que ses relations avec les Etats-Unis deviennent plus directement conflictuelles, deux inflexions majeures que les orientations de ce nouveau plan quinquennal reflètent. Pour autant, ce nouveau plan s’inscrit largement dans la continuité des réformes structurelles déjà engagées lors des plans quinquennaux précédents, avec une place centrale accordée au rééquilibrage de la croissance vers la consommation privée et à la montée en gamme technologique.

Plan quinquennal

 

Un plan quinquennal sans cible de croissance du PIB

« Le nouveau plan met l’accent sur la qualité de la croissance, dans un contexte d’endettement accru après la pandémie »

Le 14ème plan quinquennal est le premier à ne pas faire figure d’objectif de croissance moyenne du PIB sur la période, alors que le 13ème plan fixait pour objectif que l’économie croisse de +6,5% par an en moyenne. Cela reflète l’attention accrue portée par les autorités chinoises à la qualité de la croissance plutôt qu’au niveau du PIB et les inquiétudes également croissantes quant aux incitations perverses créées par la définition d’une cible de PIB ambitieuse pour les gouvernements locaux, notamment en termes d’endettement. Ces inquiétudes ne sont pas nouvelles mais ont pris une importance nouvelle dans le contexte de la crise de la Covid-19, au cours de laquelle la croissance chinoise a certes résisté – croissant de +2,3% en 2020 –, au prix toutefois d’un fort accroissement de l’endettement de l’ensemble des acteurs économiques, en hausse de 25 pt de PIB lors Croissance PIBde l’année 2020 pour atteindre 290% du PIB. Ces inquiétudes sont déjà visibles dans la cible de PIB pour l’année 2021, également annoncée lors de l’Assemblée populaire nationale de mars 2021 et fixée à « plus de 6% », un rythme modeste et en réalité quasiment déjà atteint du fait d’un effet de base favorable après la contraction des premiers trimestres de l’année 2020 : le simple maintien du PIB trimestriel chinois à son niveau du quatrième trimestre 2020 permettrait à l’économie de croître de 6% sur l’ensemble de l’année 2021. Reflétant ces nouvelles préoccupations liées à la qualité de la croissance, le plan quinquennal fait par contre figurer pour la première fois un objectif de taux de chômage, qui doit demeurer inférieur à 5,5% sur l’ensemble de la période, soit un niveau proche de celui de 2020 (5,2%).

Malgré l’absence de cible de PIB dans le 14ème plan quinquennal, la Chine conserverait pour objectif de long terme de doubler la taille de son économie d’ici 2035, une perspective mentionnée par Xi Jinping fin 2020 et auquel le plan de long terme pour 2035 publié en même temps que le 14ème plan quinquennal fait également référence. Cette cible implique une croissance moyenne d’environ 4,5% d’ici 2035. L’objectif, gardé implicite, d’une telle cible est également de garantir que la taille de l’économie chinoise surpasse celle des Etats-Unis d’ici cette échéance.

 

Une volonté d’autosuffisance renforcée

« L’intensification de la rivalité sino-américaine est visible dans la priorité accordée à l’autosuffisance, du point de vue économique, technologique et stratégique ».

La deuxième caractéristique majeure de ce 14ème plan quinquennal est l’importance accordée à l’idée d’autosuffisance, une orientation déjà présente dans le 13ème plan et dans la stratégie « Made in China 2025 », mais qui prend ici une place encore accrue. Ce plan met en œuvre la stratégie de « double circulation » mentionnée par Xi Jinping en mai 2020, qui vise à favoriser la demande intérieure (la « circulation interne ») de façon à limiter la dépendance de l’économie chinoise au dynamisme de la demande mondiale, tout en préservant un appareil exportateur performant (la « circulation externe »). Cette stratégie s’inscrit dans la continuité des efforts des autorités chinoises depuis 2013 pour accroître la part de la consommation privée dans le PIB, qui n’ont abouti qu’à des progrès modestes à ce stade, dans la mesure où la part de la consommation privée dans le PIB demeure inférieure à 40% en 2019. Lors de la pandémie, le soutien public concentré sur l’offre au détriment de la demande intérieure s’est de plus certainement traduit par un recul du poids de la consommation dans le PIB. Dans ce contexte, le 14ème plan quinquennal entend notamment accroître le poids de la consommation privée en facilitant la mobilité des travailleurs vers les zones les plus dynamiques économiquement : le taux d’urbanisation doit atteindre 65% d’ici 2025, une cible en hausse de 5 points par rapport au niveau actuel. Part de la consommation des ménages dans le PIBDans ce but, le plan prévoit une réforme relativement ambitieuse du système de hukou, le permis de résidence conditionnant l’accès à un nombre importants de droits et prestations sociales pour les travailleurs urbains. Ce permis serait entièrement supprimé pour les villes de moins de 3 millions d’habitants, tandis que les conditions qui y sont associées seraient assouplies pour les villes de plus grande taille, favorisant la mobilité des travailleurs et permettant un accès plus aisé des travailleurs migrants aux prestations sociales, moyen indirect d’accroître la part du revenu national allouée aux ménages. 

La montée en gamme technologique et la substitution des importations stratégiques par une production manufacturière nationale est un autre volet majeur de cette stratégie d’autosuffisance, dont l’importance a été exacerbée par les efforts américains récents pour isoler la Chine des chaînes d’approvisionnement technologiques. De ce point de vue, le développement d’une production chinoise de semi-conducteurs est particulièrement mise en avant, dans la mesure où la Chine a importé plus de 350 Md$ de semi-conducteurs en 2020, faisant du produit son premier poste d’importations. A l’heure actuelle, la Chine ne serait en mesure de produire localement qu’environ 16% de ses besoins en semi-conducteurs. Importation de semi-conducteur par la Chine en valeurAujourd’hui, la Chine ne semble ainsi pas en mesure d’atteindre l’objectif de 70% de production locale de semi-conducteurs fixé par la stratégie « Made in China 2025 ». Le 14ème plan quinquennal poursuit donc les efforts en cours sur cet axe, listant notamment une pluralité de secteurs technologiques innovants dont la part dans le PIB doit s’accroître à horizon 2025 (cf. tableau), parmi lesquels figurent les semi-conducteurs. Comme lors des plans quinquennaux précédents, ce soutien public aux secteurs jugés stratégiques inclut notamment des incitations fiscales (réduction de l’IS ou de la TVA), des subventions, un accès facilité au crédit à faible taux, voire des prises de participation directes. De façon surprenante, la cible de dépenses de R&D, fixée à 7% de croissance par an par le 14ème plan quinquennal est modeste et nettement inférieure à la croissance des dépenses de R&D des années précédentes, qui était supérieure à 10%. Ce manque d’ambition apparent est d’autant plus étonnant que le niveau des dépenses de R&D de la Chine demeure modeste, à 2,2% du PIB en 2019 (contre 3,1% pour les Etats-Unis par exemple).

Détail sectoriel du 14e plan quinquennal

 

De façon complémentaire, le 14ème plan quinquennal a également pour ambition de fortement renforcer le tissu d’infrastructures du pays, notamment du point de vue technologique, avec une couverture 5G devant par exemple passer de 22% en 2020 à 56% en 2025, ainsi qu’une construction de centres de données à grande échelle. Le plan prévoit également le développement d’infrastructures plus traditionnelles avec la création de 30 aéroports, bien que les objectifs en termes de nouveaux réseaux ferrés soient inférieurs à ceux du 13ème plan.

Enfin, de façon plus large, le contexte de rivalité géopolitique qui caractérise le 14ème plan quinquennal se traduit également par l’introduction de nouveaux objectifs de production de céréales et d’énergie au niveau national, de façon à accroître l’autosuffisance de la Chine du point de vue des besoins stratégiques essentiels.

Un manque d’ambition sur le plan environnemental ?

« Les objectifs du 14ème plan restent timides du point de vue environnemental, malgré les annonces ambitieuses de réduction des émissions chinoises faites par Xi fin 2020.».

Le 14ème plan quinquennal constitue également l’opportunité de mettre en œuvre de façon concrète les annonces faites par Xi Jinping en termes d’émissions en novembre 2020, à savoir l’atteinte par la Chine du pic de ses rejets de CO2 d’ici 2030 et de la « neutralité carbone » complète d’ici 2060. De ce point de vue, les objectifs du 14ème plan quinquennal se caractérisent par un manque d’ambition certain, dans la mesure où les cibles obligatoires fixées en matière d’environnement (réduction de la consommation d’énergie et de CO2 par unité de PIB) ne sont pas plus ambitieuses que celles en vigueur lors du plan quinquennal précédent.Structure de la conso d'énergie de la ChineLe plan quinquennal mentionne également la volonté des autorités de faire passer la part des énergies non-fossiles à 20% d’ici 2025, contre 16% actuellement, une cible à nouveau modeste – avec un rythme de progression des énergies non-fossiles similaire à celui des 5 dernières années – qui ne revêt de plus pas de caractère obligatoire. La capacité de production d’énergie nucléaire, seul type d’énergie à faire l’objet d’une cible spécifique à ce stade, doit par ailleurs passer de 52 GW à 70 GW, un accroissement notable, mais inférieur au doublement auquel on a assisté entre 2015 et 2020. De façon notable, le 14ème plan quinquennal ne fixe pas de plafond d’émissions de CO2 et continue à faire référence à l’expansion de la capacité de production de charbon, en lien avec des préoccupations stratégiques d’indépendance énergétique que nous avons mentionnées, qui viennent à l’encontre de restrictions strictes sur le charbon. Comme sur la plupart des autres sujets, il faut garder à l’esprit que ce plan quinquennal initial a vocation à fournir un cadre et une orientation générale, tandis que d’autres plans à venir portant spécifiquement sur les questions de l’énergie ou du climat apporteront des cibles complémentaires et décriront de façon plus opérationnelle la façon dont ces objectifs seront atteints.

Rédigé par

Léo Barincou
Analyste Macro-Economique

23 avril 2021

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