"Le regard du gérant" - Les semiconducteurs, grands perdants des tensions commerciales sino-américaines ?
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L’organisation des échanges commerciaux mondiaux connaît d’importantes perturbations depuis l’arrivée au pouvoir de D. Trump et notamment l’annonce
de la mise en place de droits de douane « réciproques » avec la plupart des pays.
Si les tensions s’apaisent temporairement avec un grand nombres de pays, dans l’attente des conclusions des négociations en cours (pour un délai maximum de 90 jours), il n’en est pas de même avec la Chine. Les deux pays semblent engagés dans une guerre commerciale frontale, tant sur les niveaux des droits (les produits américains exportés en Chine étant surtaxés à 125%, et à 145% dans l’autre sens) que sur des mesures spécifiques de restriction portant sur certains produits ou matières premières, compte tenu de leur criticité dans les chaînes de valeur.
A ce titre, l'Association Chinoise de l'Industrie des semiconducteurs a publié le 11 avril dernier, un avis visant à renforcer les contrôles sur les importations de puces. L’organisation suggère une identification des circuits intégrés selon le lieu de production de ces derniers, et non selon leur lieu de conception, d'assemblage ou d'emballage. Ainsi, les sociétés américaines produisant aux États-Unis, telles qu'Analog Devices, Intel, GlobalFoundries ou Texas Instruments, devraient être directement pénalisées car assujetties aux droits de douane de 125%. Cette mesure vise à rendre les puces des entreprises américaines non compétitives sur le marché chinois, qui représente une part importante de leurs activités (environ 20% des ventes).
Elle s’inscrit également dans la stratégie « China for China » qui encourage la production locale pour répondre aux besoins du marché chinois, favorisant ainsi l’activité des fondeurs comme SMIC et Hua Hong. Les États-Unis ne semblent toutefois pas disposés à accepter ces menaces puisque quatre jours plus tard, ces derniers ont mis en place de nouvelles restrictions en matière d'exportation sur les puces d'intelligence artificielle (IA) vers la Chine. Les principales victimes de cette mesure sont AMD et Nvidia, cette dernière devant enregistrer une charge exceptionnelle de $5,5 milliards au prochain trimestre pour y faire face. L’engagement de Nvidia d’investir près de 500 milliards dans l’IA au cours des quatre prochaines années aux États-Unis (communiqué quelques jours plus tôt) n’a pas infléchi la décision de l’administration américaine de restreindre les exportations de ses puces critiques vers la Chine.
Une décision lourde de sens et de conséquences pour les entreprises et qui illustre pleinement la reprise en main du politique sur les décisions économiques. La stratégie des grandes multinationales s’en trouve pleinement affectée et exige une forte adaptation du modèle des entreprises, avec toutes ces implications sur les marges et les résultats à court et moyen terme. Un sujet qui est au cœur de nos réflexions dans le cadre de l’élaboration de nos Perspectives Économiques et Financières.
Rédigé par

Paul CUTAJAR
Gérant Actions Internationales