Notre suivi du conflit - 25 avril 2022
À la lumière des événements, nous avons identifié, dans le cadre de nos travaux, plusieurs thématiques qui nous paraissent importantes à suivre et sur lesquelles nous restons particulièrement vigilants. Nos équipes vous partagent leur regard sur trois d’entre elles.
Notre regard sur le positionnement des pays face au conflit
Dans le but d’apprécier le positionnement des pays au regard du conflit, notre recherche s’est fondée sur l’observation des votes aux différentes résolutions portées à l’assemblée générale de l’ONU depuis le début du conflit. Au nombre de 3, elles permettent d’observer une scission de plus en plus marquée entre pays dits occidentaux et le reste du monde. Ainsi, le vote du 24 mars dernier sur la résolution de l’ONU exigeant la cessation de la guerre en Ukraine a enregistré 140 votes pour, 38 abstentions, 5 votes contre et 10 non-votants, une majorité apparente de pays qui masque pourtant le poids démographique des pays abstentionnistes.
Aussi, il nous semble important de rester vigilant sur les 38 pays qui sont déclarés abstentionnistes qui représentent 19,4% du commerce mondial (dont 13,7% pour la Chine) et plus de 50% de la population mondiale, d’autant que certains pays comme le Japon sont particulièrement exposés à ces pays. Nous relevons que dans le cadre du conflit, 51 pays ont mis en place des sanctions à l’encontre de la Russie.
L’isolement de la Russie souhaité par les occidentaux peine ainsi à se matérialiser. Dans ce cadre, les pays « non alignés » aux intérêts occidentaux, avec en premier lieux la Chine, pourraient être des alliés de poids pour la Russie pour lui permettre d’amortir les effets de sanctions à son encontre. Le dernier vote à l’assemblée générale de l’ONU portant sur l’exclusion de la Russie du conseil des droits de l’homme a confirmé cette distance de plus en plus marquée entre la position occidentale défendue par les Etats-Unis et les pays Européens et une position plus en retrait de nombre de pays Africains, des pays du Moyen Orient, du Sud-Est Asiatique, et les pays membres de l’organisation de coopération de Shanghai.
Rédigé par
Frédéric KLEISS
Responsable de la Recherche
Le 25 avril 2022
Notre regard sur l’exposition des banques à la Russie et des banques russes à l’Europe
Trois banques européennes sont principalement impactées par le conflit russo-Ukrainien : Raiffeisen, Unicredit et Société Générale (avant l’annonce récente de la cession de sa filiale russe Rosbank). Nous estimons que les conséquences directes sur la solvabilité des banques européennes restent limitées. Nous restons, toutefois, extrêmement vigilants sur les conséquences indirectes de la situation en Russie: défaut de paiements de groupes internationaux, ralentissement de la croissance économique avec des effets sur les besoins de provisionnements accrus des banques.
Par ailleurs, le système bancaire russe apparait globalement fermé (50% des actifs sur les deux principales banques, peu de présence d’acteurs internationaux sur le sol domestique et peu de présence des acteurs russes à l’international), entraînant un risque systémique direct limité. Toutefois, l’importance des principales banques dans la facilitation des échanges internationaux (notamment sur les matières premières) revêt un caractère critique pour le financement de l’économie locale et les flux financiers en lien avec le commerce de matières premières. A ce titre, l’évolution de la santé financière, et d’éventuelles nouvelles sanctions, sur Sberbank et Gazprombank font l’objet d’une vigilance particulière.
Au-delà des aspects directs, les conséquences de l’affaiblissement économique et la probable sortie des acteurs internationaux du financement local pourraient avoir des conséquences importantes pour le système bancaire russe (recapitalisation, reprise d’activité, structure de défaisance, manque de capacité de financement...). Des conséquences qui pourraient ne pas être sans risques pour les pays occidentaux.
Pour conclure, nos récentes perspectives économiques et financières ont évoqué le nouveau visage de la mondialisation, dans un monde plus conflictuel. Nul doute que les développements en cours sur la sphère financière auront pour conséquence d’accélérer la régionalisation du commerce mondial.
Rédigé par
Vincent HADERER
Responsable du pôle Gestion Actions Amérique et Monde
Le 25 avril 2022
Notre regard sur les difficultés rencontrées par le London Metal Exchange (LME)
Conséquences du conflit entre la Russie et l’Ukraine, le blocage des échanges sur un certain nombre de matières premières, industrielles et agricoles, indispensables, a révélé la dépendance des économies occidentales à cette zone. La raréfaction de ces produits a provoqué une flambée des prix de ces matières auxquelles les places financières ont du s’adapter. L’exemple du marché du nickel sur le LME est symptomatique.
Notre étude approfondie sur le LME dans le cadre du conflit a mis en avant plusieurs sujets critiques : les mauvaises appréhensions des risques par le LME (stress test insuffisants), la déficience en matière de règles de marché, le non-respect des procédures, l’insuffisance de collatéraux et de capitaux dans les fonds de garantie et les fonds propres du LME (moins de 200 millions), pour permettre de traverser un tel choc.
Il apparait que les décisions du LME ont favorisé les intérêts d’une poignée de groupes, en particulier, le producteur Tsingshan, le courtier CCBI ou encore JP Morgan Securities, au détriment des autres contreparties. Cette crise pourrait également avoir des conséquences non négligeables sur d’autres matières premières (aluminium, cuivre…) et fait également suite à des problématiques préexistantes sur le gaz et le pétrole. Le sujet des appels de marge et de ses conséquences pour la sphère réelle va donc bien au-delà du simple problème du nickel.
L’analyse du cadre de fonctionnement du LME et des décisions qui ont été prises au cours des premiers jours du conflit soulèvent plusieurs questions sur :
- le contrôle des chambres de compensation et des conséquences de potentiels conflits d’intérêts entre les actionnaires et les acteurs de marché.
- l’information et de la transparence des chambres de compensation sur les positions de ses membres
- l’imbrication de l’ensemble des acteurs de la chaîne de négoce sur les matières et les conséquences en chaîne que cela peut induire sur l’évolution des prix des marchés physiques des matières premières, la notion de risque de liquidité pour les producteurs / intervenants non financiers que représente des hausses importantes des matières premières, la capacité des établissements financiers préteurs à évaluer le niveau de risque de cette activité
- l’attractivité du LME (voire d’autres marchés) pour réaliser des opérations de couverture ou de spéculation, dès lors que les règles ne sont pas appliquées. Quelles conséquences de cette non application des règles à long terme pour la liquidité de ce marché et donc pour la capacité des producteurs de couvrir leurs risques d’exploitation
- le rôle grandissant de la Chine sur le commerce des matières premières et leur cotation, à l’heure où les difficultés d’approvisionnement s’accroissent
Alors que nos dernières perspectives économiques et financières ont largement insisté sur le sujet de la sécurisation des ressources (énergétiques, matières premières…), la crise du LME vient ajouter une dimension nouvelle à cette insécurité.
En effet, en montrant les limites de la sphère financière à assurer le bon fonctionnement des flux financiers associés au commerce de matières premières, elle entraîne de nouveaux risques vers la sphère économique réelle : quid de la capacité des exploitants à couvrir le prix de vente à terme de leur production, à fournir les mêmes volumes de matières premières dans un environnement aussi exigeant en terme de liquidités et de volatilité, de la capacité des négociants à assurer le transfert de matières premières en limitant leurs risques financiers ? Autant d’éléments de risques qui augmentent l’insécurité en matière d’approvisionnement de matières premières et la pression sur les marges des entreprises et leur capacité à répondre à la demande, et remettent en cause les stratégies de transition énergétique de certains Etats.
Rédigés par
Jacques-André NADAL
Responsable du pôle Gestion Actions Europe
Vincent HADERER
Responsable du pôle Gestion Actions Amérique et Monde
Le 25 avril 2022
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