Edito - Mai 2020
Depuis le 23 mars, point bas des marchés financiers, l’ampleur du rebond est spectaculaire : +24,5% pour le MSCI Emu, 21% pour le Nikkei 300 et 19,7% pour les marchés émergents. Le Standard & Poor 500 signe la plus belle performance, avec une hausse de 31 % et une baisse depuis le début de l’année qui n’est plus que de -9,3%.
Et pourtant, sur le plan sanitaire, rien n’est vraiment résolu. On a, il est vrai, passé le pic de la contamination dans de nombreux pays. En Chine certes, mais aussi dans certains pays européens. Pourtant les États-Unis restent au cœur de la tourmente, et de nombreux spécialistes évoquent le risque d’une seconde vague.
Alors, pourquoi un tel engouement sur les marchés financiers ?
Nous avons à plusieurs reprises fait mention du fait que les marchés financiers sont sous influence des banques centrales. Chaque nouvelle injection de liquidités est perçue comme une bouffée d’oxygène salvatrice.
Depuis le mois de mars nous n’avons pas assisté à de simples injections de liquidités mais à des augmentations massives de stimuli monétaires, de tous ordres, les banques centrales allant même jusqu’à financer directement ou indirectement des PME ou des entreprises ayant des ratings de haut rendement.
De l’autre côté de la sphère gouvernementale, les décisions budgétaires ont atteint des sommets surréalistes, inégalés dans l’histoire économique récente. Les sommes engagées donnent le vertige et posent la question de leur financement bien sûr, mais aussi de leur efficacité.
En effet ces mesures mélangent pêle-mêle des aides directes, des aides indirectes, des aides sous conditions, des aides à effet de levier. Il est clair que ces différents soutiens n’auront pas la même efficacité pour protéger les économies de la récession dans laquelle nous sommes tombés.
De plus, bien peu de ces dépenses ne sont pour le moment, engagées pour l’avenir. Et quel avenir ?
Le Covid-19 sera –t- il un simple phénomène passager, sans effet durable sur les économies, les personnes, les politiques ? Ou sera –t- il un révélateur ou un amplificateur des faiblesses, des risques que nous avons souvent développés dans ces éditos ? Dans ce cas, les choix budgétaires lors de cette phase de soutien, et plus encore dans la phase de relance seront essentiels pour pouvoir valider une reprise durable.
L’Europe est-elle vraiment armée, organisée, unie pour effectuer de tels choix ? Nous en doutons.
La cacophonie entre les pays au pic de la crise notamment sur les questions autour de la mise en place du confinement et d’une politique de test jusqu’au déclenchement d’une guerre au grand jour pour l’obtention de masques, s’est poursuivie depuis lors. La date et la méthode de déconfinement, et plus encore les méthodes d’aide aux entreprises et salariés ne font ressortir aucune unité. Nous n’oublierons pas non plus les discussions sur l’euro bond, la foire d’empoigne entre pays du nord et pays du sud pour le partage du fardeau financier.
Aujourd’hui cette mésentente récurrente trouve une nouvelle expression dans la décision de la Haute Cour de justice allemande. En exigeant de la BCE, sous un délai de trois mois, de justifier de la pertinence de sa politique d’achats d’actifs, cette autorité jette un pavé dans la mare européenne, déjà bien embourbée. Pire, elle exige que, en cas de non justification, la Bundesbank arrête de participer à ce programme d’achats. Si cela devait être le cas, c’est un pan de la construction européenne qui s’effondrerait. On ne pourra pas demander aux autres pays de compenser le déficit puisqu’il faut respecter les règles européennes, basées sur les poids de PIB respectifs.
Alors, primauté du droit communautaire ou souveraineté nationale ?
C’est un vrai et réel débat. L’Europe a failli dans la gestion de cette crise, et nous voyons bien que la souveraineté est redevenue la ligne de conduite de plusieurs pays. On parle de protection des entreprises nationales, de secteurs stratégiques domestiques, de relocalisation d’industries, tous ces sujets étant analysés sous un spectre national et non pas européen.
Les investisseurs ont compris les risques, le dollar reprenant sa hausse contre euro. Ce qui se passe offre un autre éclairage au Brexit, tant décrié par les européens. Alors, erreur ou anticipation ?
Rédigé par
Lucile LOQUÈS
Directrice du pôle Actions Internationales
Le 13 mai 2020
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