"Le regard de la gérante - Les droits de douane mettront ils fin au modèle à bas coûts des géants du commerce en ligne chinois ?

Perspectives Économiques et Financières

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Le président des États-Unis a annoncé un report de 90 jours dans l’application des nouveaux droits de douane pour la majorité des pays, tout en maintenant une pression maximale sur la Chine, avec 145% de droits de douane désormais effectifs.

Parallèlement, Washington a également décidé de mettre fin à l’exemption de droits de douane pour les petits colis d’une valeur inférieure à $800 en provenance de Chine et de Hong Kong. Une mesure qui abroge un dispositif hérité du US Tariff Act de 1930, initialement conçu pour simplifier les échanges de faible valeur. 

Pour rappel, la croissance du nombre de petits colis a été fulgurante entre 2017 et 2024, passant d'environ 300 millions à près de 1,4 milliard de colis, et représente désormais 90% des colis arrivant sur le sol américain, dont plus de 60% en provenance de Chine. Ces volumes d’importation sur le sol américain ont bénéficié au cours des dernières années du relèvement du seuil d’exemption (passant de $200 à $800 en 2016) mais aussi de la mise en place en 2018 des droits de douane sur la Chine rendant, contre intuitivement, les petits colis plus économiques. Plus récemment, c’est surtout l'émergence de plateformes de commerce électronique qui proposent une offre de produits à prix cassés dans un contexte d’inflation structurellement plus élevée qui a contribué à la progression. Ainsi, des géants du commerce en ligne, notamment Temu et SheIn, ont inondé le marché américain de produits à bas coûts à destination de jeunes consommateurs, abreuvés de publicité sur les réseaux sociaux. En 2023, plus de 30% des colis quotidiens étaient envoyés par Temu ou Shein. Toutefois à partir du 2 mai, ces colis devront s’acquitter de 90 % de droits de douane ou d’un minimum de $75 par envoi. Une décision qui vise clairement les géants chinois, et les oblige à revoir leur stratégie logistique et commerciale. 

Temu a adapté son infrastructure en important désormais « en gros » ses produits pour les stocker dans des entrepôts américains avant de les expédier chez les consommateurs finaux, se rapprochant ainsi du modèle d’Amazon. Shein a pris des mesures similaires en ouvrant des centres de distribution sur le sol américain tout en poursuivant la diversification de sa chaîne de production et d’approvisionnement (Brésil, Turquie et plus récemment en incitant ses principaux fournisseurs à produire au Vietnam). Cependant, cette volonté de diversification pourrait bien se heurter à de nouvelles limites politiques. 

Le ministère chinois du commerce aurait exhorté Shein et d’autres entreprises du secteur à ralentir la délocalisation de leur production. Cette pression politique, tant américaine que chinoise pourrait ainsi mettre en péril le modèle sur lequel repose la réussite de ces géants : des volumes massifs à bas prix, produits et expédiés à coût minimal. Dans un monde où les ruptures sur les modes de production et de distribution se multiplient sous les effets de décisions politiques, la question de la viabilité de certains modèles se pose très clairement.

Rédigé par

Valentine DRUAIS
Gérante Actions Internationales