Suivi des Perspectives Économiques et Financières

Perspectives Économiques et Financières

Retrouvez notre analyse des marchés de la semaine du 27 mai

Le malade de l'Europe

Nous souhaitons insister sur les risques que font peser à l’ensemble des marchés, et pas uniquement émergents, la situation de la Turquie. Sa balance des paiements courants est très dégradée (-5,6% du PIB) et sa dette extérieure libellée en devises étrangères la fragilise. A ce constat précaire s’ajoute depuis fin 2018 une économie en récession (baisse du PIB de 1,6% et 2,4% sur les derniers trimestres) et une inflation galopante (+25%) conséquence de la baisse de la devise enregistrée en 2018 en dépit de taux courts à 24%. Autre élément inquiétant, l’endettement des agents privés et en particulier des entreprises. La dette extérieure du secteur privée, libellée en devises, a été multipliée par deux pour atteindre plus de 300 Mds$ soit près de 40% du PIB. Or, l’effondrement de la lire a fait monter leur coût. Le secteur bancaire local est par conséquent en grande difficulté, les créances douteuses enregistreraient une hausse significative le début de l’année. Il faut savoir que nombre de projets d’infrastructure ont été financés via des emprunts en devises étrangères auprès d’acteurs locaux. Face à la montée de ces risques, le gouvernement envisage de superviser la création de structures de défaisance pour prendre en charge une partie des créances douteuses; le montant de l’aide envisagée (4,9 Mds $) est sans commune mesure avec les enjeux. Quels sont les risques à ce stade ? Une poursuite de la fuite des capitaux, un effondrement supplémentaire de la lire turque qui a déjà baissé de 40% depuis 2017 ? Sur le plan boursier, cela relancera certainement les inquiétudes sur toute la sphère émergente. Plus près de nous, l’examen des chiffres des expositions des non-résidents à la Turquie de la Banque des Règlements Internationaux nous indique que l’Allemagne n’est pas le pays le plus exposé avec ses 14Mds$ de créances mais l’Espagne (65Mds$), suivie de la France (29Mds$) et le Royaume-Uni (16Mds$). Enfin, dans le cadre de nos réflexions sur la géostratégie, on notera que la Turquie cultive son non-alignement au côté du Qatar, de l’Iran et du Soudan, et que bien que membre de l’alliance militaire de l’OTAN, elle a confirmé sa volonté d’acquérir des missiles auprès de la Russie, qu'elle ne perçoit pas comme une menace pour sa sécurité, et avec qui elle collabore dans le cadre du gazoduc Turkstream. Le pire n’est jamais certain mais il est sûr que l’Europe a sur ses frontières un patient dont la maladie pourrait être contagieuse.

Suivi du PEF - 27052019

 

Perspectives Économiques et Financières - Mai 2019 (pdf - 808.04 Ko)