"Le regard de la gérante" - La récente augmentation de la production de pétrole de l'OPEP+

Perspectives Économiques et Financières

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Début mars, l’OPEP+ a annoncé qu’elle procèderait à une augmentation mensuelle de ~120.000 b/j de sa production dès le mois d’avril.

Cette décision a, au premier abord, semblé quelque peu prématurée au regard des incertitudes liées aux conséquences de la mise en place des droits de douane, ainsi qu’aux statistiques macroéconomiques aux États-Unis. Toutefois, elle semble satisfaire plusieurs intérêts et/ou objectifs, notamment ceux des États-Unis, mais aussi de l’OPEP+.
 

Du côté des États-Unis, le président Trump, lors d’un discours à Davos en janvier, avait clairement signifié sa volonté de faire appel aux membres du cartel pour faire baisser les prix de l’or noir. Au sein de l’OPEP+, certains pays vont certainement augmenter leur production plus que d’autres, en fonction de leurs profils de production, ainsi que de leur engagement et respect initial des coupes volontaires de production. Au-delà de l’Arabie Saoudite, la Russie semble être l’un d’entre eux, notamment en raison d’un potentiel allègement des sanctions américaines. Moscou pourrait ainsi paraître « aligné » sur la Maison-Blanche, tout en restant fidèle à l’OPEP+. Enfin, les Émirats Arabes Unis pourraient aussi augmenter leur production, allégeant ainsi les tensions présentes depuis plusieurs mois avec l’Arabie Saoudite. L’Irak sera également au centre de l’attention, afin que les volumes de production qui transitent via l’oléoduc Irak-Turquie (ITP, qui transporte du pétrole du Kurdistan irakien vers le port de Ceyhan en Turquie) augmentent à nouveau. La Maison-Blanche aurait fait pression pour parvenir à un accord entre la Turquie, le gouvernement irakien et le gouvernement régional du Kurdistan sur le partage des revenus pétroliers. Washington dispose de certains leviers sur l’Irak, notamment en raison de l’importante assistance américaine fournie à Bagdad, ainsi que de la menace de sanctions potentielles sur les importations de gaz et d’électricité iraniens, qui sont des éléments essentiels de la composition énergétique irakienne. Cependant, les négociations étant toujours en cours, le calendrier de redémarrage, ainsi que les volumes réels d’exportation restent incertains. Ces augmentations de production arrivent à un moment opportun pour l’administration Trump, compte tenu de sa décision de révoquer les licences de Chevron au Venezuela, qui pourrait retirer entre 200.000 et 300.000 b/j de pétrole du marché. Du côté de l’OPEP+, bien que l’annonce de la remise sur le marché de barils ait entraîné une chute des prix, préjudiciable aux budgets des pays membres, cette décision pourrait leur offrir un répit en évitant des appels à des augmentations de production plus drastiques de la part de l’administration Trump. De plus, l’OPEP+ conserve la possibilité de suspendre ou d’inverser le retour prévu des barils sur le marché, en fonction de l’évolution de l’équilibre offre-demande.


Dans le cadre de nos Perspectives Économiques et Financières, nous anticipons pour 2025 une volatilité accrue du prix des actifs en fonction des décisions et/ ou déclarations politiques. Les prix du pétrole en sont un très bon exemple. La nouvelle administration américaine, à défaut de pouvoir augmenter significativement la production pétrolière, nous semble prête à utiliser tous les leviers disponibles pour arriver à ses fins.

Rédigé par

Sophie PONS DUBLANC
Adjointe au Responsable d’équipe Gestion Actions Monde