Les enjeux de l'émergence du multirégionalisme : quelle stratégie sur les marchés financiers?
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Nous élaborons trois fois par an nos Perspectives Economiques et Financières. Une démarche structurante pour l’ensemble de notre gestion. Dans ce cadre, la question du « multirégionalisme » a fait l’objet d’une analyse approfondie.
La remise en cause du multilatéralisme et la recherche d’alternative à l’ordre mondial se sont à nouveau illustrées en janvier dernier, avec l’élargissement des BRICS à cinq pays supplémentaires. Les BRICS + représentent désormais un quart du PIB mondial, mais aussi plus de 20% des échanges commerciaux mondiaux et même 40% des exportations de pétrole. « Nous sommes entrés dans une phase de « multirégionalisme ». Le paysage des échanges commerciaux mondiaux a été profondément redessiné au cours des vingt dernières années » relève Francis Jaisson, Directeur Général Délégué en charge notamment de l’ensemble des Gestions. En 2022, au sein du G7, seuls 32% des échanges de biens sont réalisés entre les pays membres (contre près de 45%, vingt ans plus tôt), tandis que dans le même temps, entre les dix pays des BRICS +, ces échanges ont progressé de moins de 10% à plus de 20%.
« Cette alliance des BRICS+ est très attractive - 23 pays ont candidaté -, mais elle rassemble des pays disparates dont le souhait est d’abord de ne plus être des suiveurs, vis-à-vis des pays occidentaux »
C’est ainsi que l’Inde semble jouer sa propre partition, ne pas souhaiter choisir son camp et privilégier une stratégie de multi-alignements. Elle noue des partenariats, avec l’Australie, les Emirats Arabes Unis, bientôt le Royaume-Uni, au service de ses propres ambitions et avec un objectif de renforcement de son autosuffisance, en particulier depuis l’arrivée de Narendra Modi au pouvoir en 2014. Cette stratégie doit se matérialiser par une montée en puissance de l’industrie, pour atteindre 25% du PIB, contre 13% actuellement. Dans cette perspective, les entreprises internationales sont invitées, dans le cadre de leurs projets d’implantation, à se déployer pour servir le marché local et non des marchés d’exportation.
"Cependant, l’Inde n’est pas véritablement une alternative à la Chine pour les entreprises mondiales. Si elle peut s’appuyer sur certaines forces (la qualité et l’abondance de sa main d’œuvre, sa capacité à exporter des services dans le secteur des technologies), à l’inverse, sa dépendance énergétique, sa dette ou son taux d’alphabétisation, sont des handicaps au regard de la situation de la Chine en 2001, au moment de son entrée dans l’OMC, qui était déjà un grand acteur industriel" constate Francis Jaisson.
Dans ce contexte de concurrence commerciale exacerbée, des deux côtés de l’Atlantique, les Etats-Unis et l’Europe déploient chacun leur propre stratégie, mais à des rythmes différents. Les investissements américains en infrastructures dans le secteur manufacturier ont presque triplé en deux ans, dans le sillage de l’Inflation Reduction Act (IRA) et du Chips Act. Dans le même temps, le NextGenerationEU (NGEU) peine à se concrétiser. La mise en œuvre de ce plan de relance d’un montant de 750 milliards d’euros prend du retard. Seul un tiers des versements aux pays de l’UE a été réalisé. L’atonie de la croissance et le manque chronique d’investissement contrastent ainsi avec la situation américaine.
Un dilemme pour la Fed
Pour autant, le niveau historiquement faible du chômage s’observe sur les deux continents, ce qui alimente une dynamique des salaires encore soutenue. En conséquence, aux Etats-Unis, l’inflation sous-jacente peine à s’infléchir, d’autant plus que les prix de l’immobilier amorcent un rebond, créant un dilemme pour la Fed, concernant l’orientation à donner à sa politique monétaire dans les prochains mois.
« Sur le long terme, les pressions désinflationnistes structurelles, liées à la démographie et aux nouvelles technologies, seront à l’œuvre. Cependant, aujourd’hui, les pressions inflationnistes, liées à la transition énergétique, aux tensions géopolitiques, aux relocalisations et aux salaire, persistent »
Les banques centrales sont ainsi décidées à mener des politiques monétaires plus restrictives. Mais face à un risque d’instabilité financière et aux besoins de financement records des Etats, dont les politiques budgétaires restent expansionnistes, le rythme de réduction de leurs bilans (déjà plus de 1.300 milliards de dollars pour la Réserve Fédérale depuis leur plus haut et près de 2.000 milliards d’euros pour la BCE) pourrait être moins rapide que prévu. Les marges de manœuvre des banques centrales deviennent plus contraintes, alors que le relèvement des taux a été historique et que l’inversion de la courbe entre le 2 ans et le 10 ans n’a jamais atteint une telle proportion.
Les primes de risque se comprimeront
« Sur les marchés obligataires, nous anticipons, au cours de l’année 2024, des taux courts toujours élevés et une hausse des taux longs, tandis que les primes de risque se comprimeront. Pour leur part, les performances des actions se concentreront sur un nombre restreint de valeurs, car les entreprises pourraient être affectées par un effritement de leurs marges, donc par une absence de croissance de leurs résultats, alors que leurs perspectives restent atones et que leurs coûts (salaires, intrants, transports) augmentent. Cette analyse est le fruit du travail collégial de nos équipes de Gestion et de Recherche, une des forces de Covéa Finance, très attachée à son indépendance d’esprit. Un travail de décryptage des enjeux d’un monde conflictuel qui guidera la conduite de nos investissements pour les prochains mois. Alors que les tensions internationales restent fortes et sont un facteur d’incertitudes pour les équilibres des marchés, il nous paraît essentiel de comprendre le monde dans lequel nous évoluons pour anticiper, être réactif et saisir les meilleures opportunités » détaille Francis Jaisson.
Rédigé par
Francis JAISSON
Directeur général délégué en charge de l'ensemble des Gestions, de la Commercialisation, de la Négociation et de l'ensemble des Recherches
Le 29 avril 2024
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