Environnement économique - novembre 2022
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Retrouvez notre rétrospective de l'environnement économique du mois de novembre 2022 des zones Amérique, Europe et Asie-Océanie.
Nos perspectives économiques et financières
Les nombreux défis soulevés par le conflit russo-ukrainien, et au-delà par la polarisation du monde, met à l’épreuve aujourd’hui plus que jamais l’Union européenne, à laquelle nous avons consacré nos perspectives économiques et financières de novembre 2022. Le projet européen est testé à la fois dans son fonctionnement institutionnel et dans son organisation économique, à travers la compatibilité et la solidarité des politiques budgétaires respectives de ses membres. Face à des politiques monétaires quasi unanimement restrictives, la récession n’est plus qu’une question de temps. La hausse des taux d’intérêt souverains fait peser un risque de soutenabilité des dettes publiques et privées sur le continent et fait renaître le spectre d’un éventuel défaut d’un pays membre et de l’implosion du projet européen.
Le dilemme des banques centrales
Les banques centrales à travers le monde sont de plus en plus amenées à arbitrer entre (i) la poursuite d’un resserrement monétaire ambitieux au risque d’accentuer le ralentissement économique et d’alimenter l’instabilité financière ou (ii) la modération de ce resserrement au prix du maintien d’une inflation élevée. En particulier, la Réserve fédérale et la Banque d’Angleterre ont déjà laissé entendre que leur resserrement monétaire pourrait prochainement se modérer alors que la Banque centrale européenne semble maintenir le cap de la normalisation malgré le ralentissement de l’activité. Outre les instabilités géopolitiques, la crise énergétique, les tensions inflationnistes et la dégradation des conditions de financement, l’économie mondiale est désormais confrontée à une nouvelle vague pandémique majeure en Chine. Sur le marché des changes, l’euro s’est apprécié de 4,7% sur le mois et atteint 1,0376 contre le dollar. Le prix du baril de Brent a baissé de 9,9% sur le mois, pour atteindre 85,43$.
Aux Etats-Unis, la Réserve fédérale (Fed) envisage un ralentissement de son resserrement monétaire. La banque centrale a procédé, lors de sa réunion de novembre, à une quatrième hausse consécutive de 75 points de base de son taux directeur portant la fourchette cible à [3,75% ; 4%]. Le président de la Fed, Jerome Powell, a suggéré que le rythme de hausse de taux pourrait ralentir dès la prochaine réunion des 13 et 14 décembre, mais que le niveau de taux final de ce cycle de resserrement pourrait être plus élevé que celui envisagé en septembre dernier. Ainsi, la Fed pourrait aller moins vite, mais plus loin. Outre la dégradation des perspectives économiques, certains membres ont évoqué les risques d’instabilité financière pour justifier un ralentissement des hausses de taux. Par ailleurs, les données d’inflation ont été mieux orientées en octobre, avec un recul à 7,7% en rythme annuel, un niveau qui demeure toutefois très élevé au regard de la cible de 2% de la Fed. Concernant l’activité, les données publiées sur le mois restent contrastées. Si la mauvaise orientation des enquêtes semble enfin se matérialiser au niveau de la production industrielle (-0,1% en glissement mensuel en octobre) et que le secteur de l’immobilier continue de se dégrader, la consommation reste dynamique et le marché du travail demeure tendu. Sur le plan politique, les républicains sont parvenus à reprendre la majorité à la Chambre des Représentants alors que les démocrates ont conservé la majorité au Sénat à l’issue des élections de mi-mandat. Cette nouvelle configuration laisse présager un statu quo législatif pour la fin du mandat du président Biden, chaque camp neutralisant les projets de l’autre. En particulier, les marges de manœuvre budgétaires devraient être plus limitées pour soutenir l’économie en cas de récession.
Au Royaume-Uni, le gouvernement annonce un plan de resserrement budgétaire. Le ministre des Finances, Jeremy Hunt, a annoncé un large plan de consolidation budgétaire de 55 Mds£ (30 Mds£ de baisse des dépenses et 25 Mds£ de hausse d’impôts). Ce plan vise à restaurer la crédibilité budgétaire du pays après les perturbations financières provoquées par les annonces du précédent gouvernement. En outre, cette politique restrictive cherche à endiguer l’accélération de l’inflation qui, à 11,1% en octobre, a atteint un plus haut en 41 ans. Elle s’ajoute ainsi aux efforts de la Banque d’Angleterre qui a procédé à une hausse de 75 points de base de son taux directeur en novembre bien que le gouverneur Andrew Bailey ait laissé entendre que le rythme du resserrement pourrait ralentir face aux risques de récession. En effet, le PIB a déjà enregistré une baisse de 0,2% au troisième trimestre (T3) et les perspectives restent mal orientées.
En Zone euro, l’activité économique poursuit sa dégradation progressive. La croissance du PIB a ralenti à 0,2% en glissement trimestriel au T3 et les perspectives sont à la baisse pour le T4, à l’image des indicateurs d’enquête PMI qui se sont maintenus en zone de contraction pour un 5ème mois consécutif en novembre. La production, la consommation et l’investissement sont pénalisés par la crise énergétique et le poids des incertitudes qui l’entourent. Si l’inflation s’est légèrement modérée à 10% en novembre, après le plus haut historique à 10,6% d’octobre, elle se maintient à un niveau très élevé. La BCE devrait encore poursuivre la hausse des taux d’intérêt en dépit de la dégradation économique et de la progression des risques d’instabilité financière. Face à la crise énergétique, la Commission européenne a proposé une nouvelle mesure de plafonnement des prix du gaz qui est toutefois vivement critiquée par de nombreux pays, jugée tantôt insuffisante pour certains, tantôt trop risquée pour la sécurité des approvisionnements pour d’autres. En outre, la Commission européenne a dévoilé son projet de réforme du Pacte de stabilité et de croissance qui implique des trajectoires d’ajustement budgétaire spécifiques à chaque pays plutôt que les critères absolus du Traité de Maastricht. L’adoption de cette réforme devra toutefois faire l’objet d’un consensus au sein des Etats-membres.
En Chine, la situation sanitaire se détériore à des niveaux encore plus critiques que ceux d’avril et mai dernier. Alors que les autorités ont annoncé un assouplissement encourageant du cadre des restrictions sanitaires, cette nouvelle dégradation interroge sur la perspective d’une normalisation de la situation à court/moyen terme. Après le redressement économique du T3, l’activité a été mal orientée en octobre et devrait le rester sur l’ensemble du T4 alors que le recul de la demande mondiale s’ajoute à la crise sanitaire. L’immobilier poursuit sa modération mais les pouvoirs publics ont annoncé un large plan de soutien au secteur. Au Japon, le creusement du déficit commercial pénalise la reprise. Le PIB a reculé de 0,3% en glissement trimestriel au T3 – malgré une évolution positive de ses composantes hors commerce extérieur – et reste ainsi inférieur de 1,6% son niveau de 2019. Si la forte progression des importations reflète en partie la reprise des investissements, elle témoigne surtout de la hausse du prix des importations qui est amplifiée par la dépréciation majeure du yen. Ce recul de la devise résulte essentiellement du maintien d’une politique monétaire très accommodante de la Banque du Japon, à contre-courant de la dynamique internationale. Le Comité de politique monétaire considère en effet que les pressions inflationnistes domestiques restent insuffisantes pour que la cible de 2% d’inflation soit atteinte durablement.
Sources des données : Refinitiv, Bloomberg, US Bureau of Labor Statistics, US Bureau of Economic Analysis, Eurostat, BCE, S&P Global, Statistics Bureau of Japan, Japan Cabinet Office, National Bureau of Statistics of China
Rédigé par
Louis MARTIN
Analyste économique
Le 5 décembre 2022