Environnement économique - Novembre 2021
Retrouvez notre rétrospective de l'environnement économique du mois de novembre 2021 des zones Amérique, Europe et Asie-Océanie
Nos perspectives économiques et financières
Nous avons consacré nos perspectives économiques et financières à l’analyse comparée de l’Allemagne, de la France et du Royaume-Uni, 3 pays qui n’échappent pas au mouvement de divergence que nous mettions en avant en début d’année. Force est de constater que l’Allemagne affiche des avantages indéniables. Le tissu industriel allemand est bâti sur une véritable logique de filière allant de l’apprentissage jusqu’à la définition des normes industrielles. Le Royaume-Uni, qui a fait le choix d’une spécialisation vers les services, bénéficie d’un environnement des affaires souvent considéré comme un des plus favorables au monde, ce qui contribue à son attractivité. Tout comme le Royaume-Uni, la France a vu la part de son industrie fortement reculer. Une fiscalité lourde, une formation professionnelle peu adaptée et un poids élevé des services à faible valeur ajoutée pourraient pénaliser le pays face aux défis de demain. Au-delà de l’analyse de ces trois pays, la question d’un retour durable de l’inflation se pose. La désorganisation des chaînes de production mondiales, le soutien massif à la demande, la résurgence potentielle d’une boucle prix-salaire et la transition énergétique sont autant d’éléments alimentant le risque inflationniste.
Résurgence de la menace pandémique
Le mois de novembre a été marqué par une nouvelle détérioration de la situation sanitaire et l’apparition d’un nouveau variant du Sars-COV-2 intitulé « Omicron » qui semble se transmettre plus rapidement que le variant « Delta ». Si les connaissances sur ce nouveau variant restent limitées, l’Organisation Mondiale de la Santé l’a qualifié de « risque très élevé » à l’échelle mondiale. Ainsi, les incertitudes sur les perspectives économiques s’intensifient, repoussant encore la possibilité d’une normalisation de l’activité. Sur le marché des changes, l’euro s’est déprécié de 2,4% et termine le mois à 1,136 dollar pour un euro. Après deux mois de forte hausse, le prix du baril de Brent a reculé de 16,4% sur le mois, pour atteindre 70,6$.
Aux Etats-Unis, la Réserve Fédérale amorce la normalisation de sa politique monétaire sur fond d’accélération marquée de l’inflation et de reprise de l’activité économique. A l’issue de la réunion du 3 novembre, le FOMC a en effet annoncé que le montant mensuel des achats d’actifs, précédemment à 120 Md $, diminuera de 15 Md $ par mois à partir de mi-novembre, ce qui mènera à la fin du programme à la mi-juin 2022. Aussi, le communiqué post-réunion affiche désormais une vision plus conditionnelle du caractère transitoire des pressions inflationnistes. Courant novembre, les déclarations des membres du Comité suggéraient même que la Fed pourrait envisager un resserrement plus rapide qu’annoncé. En effet, l’inflation a surpris une nouvelle fois à la hausse en octobre à 6,2% en glissement annuel, un plus haut en 30 ans. Cette dynamique reste particulièrement marquée au niveau des prix de l’énergie et de l’alimentation mais elle se diffuse de plus en plus aux composantes sous-jacentes de l’indice telles que le logement. Si des enquêtes rapportent une dégradation de la confiance des ménages en lien avec ces hausses de prix, cela ne s’observe pas encore dans les données de consommation qui sont restées très dynamiques en octobre. En effet, elles continuent de profiter de l’amélioration du marché du travail (531 000 créations de postes en octobre) et de la progression des revenus salariaux qui l’accompagne. Côté budgétaire, le plan de 1000 Md $ de dépenses d’infrastructures (550 Md $ de nouvelles dépenses) sur 10 ans a été voté à la Chambre des Représentants (le Sénat l’avait déjà approuvé en août). En outre, le plan de près de 2000 Md $ sur les dépenses sociales, le climat et l’éducation a également été adopté par la Chambre des Représentants mais il doit encore être soumis au vote du Sénat où les Démocrates ne peuvent se permettre aucune dissidence au vu de la majorité très courte dont ils disposent.
Au Royaume-Uni, la Banque d’Angleterre a laissé sa politique monétaire inchangée lors de la réunion de novembre mais une hausse de taux dès décembre n’est pas à exclure. La bonne reprise de l’activité, la poursuite de l’amélioration du marché du travail et l’accélération des prix pourraient en effet décider les membres du Comité de politique monétaire à actionner le levier du resserrement en dépit du retour des incertitudes sanitaires. En outre, les négociations du Brexit ont connu un nouveau regain de tension en lien avec le souhait des britanniques de mettre un terme à la supervision de la Cour de Justice de l’UE sur le protocole nord-irlandais.
En Zone euro, le retour de l’épidémie assombrit les perspectives alors que l’inflation poursuit son accélération. De fait, la bonne dynamique du secteur des services que rapporte l’enquête PMI de novembre devrait souffrir du retour du risque épidémique et des nouvelles mesures de restrictions associées. L’industrie reste également lourdement affectée par les contraintes sur l’offre même si des signes d’un certain assouplissement de ces obstacles émanent des enquêtes d’activité. La plus grande économie européenne, l’Allemagne, est particulièrement affectée par ces vents contraires. En effet, les chiffres des contaminations aux Sars-COV-2 à l’automne y sont bien plus importants que lors des précédentes vagues pandémiques et sa spécialisation dans le secteur de l’automobile, ainsi que la vulnérabilité aux chaînes de valeurs internationales qui en découle l’expose davantage aux contraintes sur l’offre. En outre, les tensions inflationnistes restent marquées en Zone euro, en particulier du fait de la vigueur des prix de l’énergie (+27,4% en rythme annuel en novembre) mais l’inflation sous-jacente accélère également. Si la BCE a reconnu que ces pressions sur les prix devraient s’avérer plus persistantes qu’anticipé, les déclarations des membres du conseil des gouverneurs sur le mois ont plutôt visé à limiter les anticipations de hausse de taux dès 2022. La réunion du 16 décembre devrait permettre d’y voir plus clair dans l’évolution du positionnement de la BCE à travers la publication d’un nouveau jeu de projections et la décision sur une éventuelle évolution de ses outils une fois que le PEPP arrivera à son terme en mars 2022. Sur le plan politique, le mois a été marqué par l’annonce de la formation d’une nouvelle coalition gouvernementale en Allemagne composée du SPD, des Verts et des Libéraux qui devrait être officialisée d’ici la deuxième semaine de décembre. L’ancien ministre des finances, O. Scholz, prendra la succession d’Angela Merkel comme Chancelier. Il devra donc parvenir à s’affranchir des différences idéologiques entre les Libéraux, partisans de la rigueur budgétaire, et les Verts, en faveur d’investissements massifs pour le climat.
En Chine, le redressement de l’activité en octobre semble davantage s’expliquer par des facteurs temporaires alors que la tendance devrait rester pénalisée par les contraintes réglementaires, énergétiques et sanitaires. L’investissement manufacturier restera probablement un moteur de croissance, soutenu par les politiques ciblées de la banque centrale, l’utilisation des profits réalisés pendant la crise sanitaire et la volonté d’étendre la numérisation, l’automatisation et la décarbonation. Sur le plan géopolitique, la rencontre virtuelle entre J. Biden et Xi Jinping n’a pas empêché la montée des tensions sino-américaines qui s’est manifestée par le placement de 12 entreprises technologiques chinoises sur la liste noire du commerce américain. Une mesure qui viserait à protéger des technologies américaines à usage militaire selon les Etats-Unis. Au Japon, l’amélioration sanitaire et l’assouplissement des contraintes d’offre permettent un certain redressement de l’activité économique après un troisième trimestre décevant mais d’importantes incertitudes se maintiennent sur les perspectives. Aussi, le gouvernement du nouveau Premier Ministre F. Kishida a dévoilé un plan de relance d’un montant de 430 Md € pour faire face aux effets prolongés de la crise du Sars-COV-2 et renforcer la redistribution des richesses.
Sources des données: Refinitiv, Bloomberg, US Bureau of Labor Statistics, US Bureau of Economic Analysis, Eurostat, BCE, Markit, Statistics Bureau of Japan, Japan Cabinet Office, National Bureau of Statistics of China.
Rédigé par
Louis MARTIN
Analyste économique
Le 1er décembre 2021