Environnement économique - Mai 2022

Environnement économique

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Retrouvez notre rétrospective de l'environnement économique du mois de mai 2022 des zones Amérique, Europe et Asie-Océanie

Nos perspectives économiques et financières

Si l’économie mondiale a bel et bien enregistré un rebond, en particulier dans les pays développés, celui-ci n’a pas permis, loin de là, d’atteindre la richesse qui aurait été créée sans la pandémie. De plus, ce rebond est insuffisamment lié à des investissements productifs. Les goulets d’étranglement qui en découlent ont mené à l’amplification des tensions inflationnistes. La guerre en Ukraine va probablement favoriser l’accélération et la diffusion de l’inflation et maintenir une croissance sous contrainte de capacités à produire. Après la pandémie, cet épisode rappelle de nouveau l’épineuse question de la dépendance des pays européens à certains éléments stratégiques (énergie, métaux). La nécessité de la relocalisation des filières critiques et la volonté affichée de certains gouvernements de relancer les budgets militaires ont des conséquences : une inflation durable et une hausse supplémentaire de l’endettement qui devra être financée.

L’activité économique mondiale ralentit au 1er trimestre face aux nombreux vents contraires. Le mois d’avril a été marqué par une nouvelle escalade des tensions géopolitiques entre la Russie et l’Union européenne. Le groupe russe Gazprom a en effet suspendu la livraison de gaz vers la Pologne et la Bulgarie, ces pays n’ayant pas effectué le paiement en roubles contrairement aux exigences de Vladimir Poutine. Ces récents développements continuent d’alimenter l’inflation énergétique en Europe, qui commence à se diffuser à l’ensemble de l’économie. La Banque centrale européenne a maintenu le statu quo mais pourrait mettre fin à ses achats d’actifs au cours du 3ème trimestre. Aux États-Unis, la dynamique des salaires fait craindre un emballement d’une boucle inflationniste « prix-salaires » et conforte la Réserve Fédérale dans une approche plus agressive. En Chine, la Banque centrale a annoncé une nouvelle baisse de taux tandis que le gouvernement a imposé des restrictions sanitaires strictes dans certaines villes face à la reprise de l’épidémie. La Banque du Japon est également à contre-courant de la Réserve Fédérale et de la BCE puisqu’elle a maintenu un biais accommodant malgré une légère accélération de l’inflation. Sur le marché des changes, l’euro s’est déprécié de 5,05% et termine le mois à 1,054 dollars pour un euro. Le prix du baril de Brent a augmenté de 1,33% sur le mois, pour atteindre 109,34$.

amériqueAux États-Unis, l’activité économique s’est contractée au 1er trimestre, malgré la bonne dynamique de la demande interne. Le PIB américain a reculé de 0,4% en glissement trimestriel sous l’effet de la vigueur des importations, en hausse de 4,2%, tandis que les exportations ont reculé de 1,5%. La forte hausse des importations témoigne de la bonne tenue de la demande domestique américaine, à l’image des dépenses de consommation qui conservent une tendance haussière (+0,7% en glissement trimestriel) en dépit de la montée des prix. La consommation au 1er trimestre est avant tout tirée par les services, soutenus par la levée progressive des restrictions sanitaires pour des secteurs tels que le tourisme ou les loisirs. En parallèle, les prix des dépenses personnelles de consommation, indicateur suivi par la Réserve Fédérale, ont maintenu une forte dynamique en mars et affichent une croissance annuelle de 6,6%. Des signaux de détente se manifestent toutefois sur l’indice sous-jacent (hors énergie et alimentation), qui ralentit à 5,2% après 5,3% en février. Enfin du côté du marché du travail, les pressions salariales se sont encore renforcées au 1er trimestre. Ces éléments confirment le risque d’emballement de la boucle « prix-salaires » et devraient conforter la Réserve Fédérale dans son approche plus agressive du resserrement monétaire.

RUAu Royaume-Uni, l’inflation a atteint 9% en avril, un plus haut depuis 1982. Si ces hausses de prix affectent la confiance des ménages, leurs effets sur la consommation restent, pour l’heure, limités par la forte dynamique des salaires. Ces derniers bénéficient d’un marché du travail extrêmement tendu où, pour la première fois en mars, le nombre de postes à pourvoir est supérieur au nombre de chômeurs. Dans ce contexte, la Banque d’Angleterre a procédé à une hausse du taux directeur de 25 points de base, le portant ainsi à 1%. Malgré la détérioration des perspectives, les membres du comité restent majoritairement en faveur d’une poursuite du resserrement monétaire. Au niveau politique, la victoire du parti républicain Sinn Fein aux élections législatives locales en Irlande du Nord ravive les tensions autour des modalités du        « protocole nord-irlandais » de l’accord du Brexit.

En Zone euro, la BCE devrait resserrer sa politique monétaire à l’été, en dépit du ralentissement économique. La présidente C. Lagarde a déclaré que la BCE serait très probablement en mesure de sortir des taux d'intérêt négatifs avant la fin du troisième trimestre et a ainsi laissé entendre que le programme d’assouplissement quantitatif APP devrait cesser ses achats en juin, avant une première hausse de taux en juillet (une première en plus de 10 ans) et une deuxième, vraisemblablement en septembre. Outre un taux d’inflation historiquement élevé, à 8,1% en mai, les salaires montrent enfin des signes d’accélération avec une croissance de 2,8% au T1 2022 en glissement annuel (surtout marquée en Allemagne et en Belgique), un plus haut depuis 2008, en écho d’un marché du travail sous tension. Face à l’inflation et aux incertitudes, la consommation des ménages recule en volume. Parallèlement, la production industrielle se contracte, pénalisée par les tensions sur les approvisionnements et la guerre en Ukraine. Dans ce contexte, les soutiens budgétaires devraient se maintenir alors que la Commission européenne a proposé de poursuivre la suspension des règles budgétaires de l’UE en 2023 face aux conséquences économiques du conflit russo-ukrainien et a présenté les détails de son plan d’investissement énergétique REPower EU. Dans ce cadre, la Commission estime que 210 Mds€ d’investissements seront nécessaires d’ici à 2027 et, au total, 300 Mds€ d’ici à 2030 pour assurer l’indépendance énergétique vis-à-vis de la Russie mais aussi renforcer les objectifs de neutralité carbone et d’efficacité énergétique que s’est fixés l’Union européenne.

ChineEn Chine, le poids des restrictions sanitaires fait plier l’économie chinoise. Si ces mesures ont été progressivement assouplies au cours du mois de mai, en ligne avec le recul des contaminations, les données économiques d’avril témoignent d’un choc brutal sur l’économie chinoise qui semble donc s’éloigner encore davantage de la cible de 5,5% de croissance du PIB fixée début mars par les autorités. Alors que la consommation des ménages et la production industrielle ont fortement décliné, l’investissement et le commerce extérieur affichent un net ralentissement. Dans ce contexte, le gouvernement a annoncé une nouvelle série de mesures de soutien budgétaire et la Banque centrale a opéré une nouvelle baisse de taux. Néanmoins, l’expansion budgétaire pourrait s’avérer contrainte par les faibles rentrées fiscales et les coûts de la mise en place des restrictions sanitaires alors que l’assouplissement monétaire pourrait renforcer les problématiques de profitabilité des banques, de pressions inflationnistes et de risques de surendettement. Au Japon, le PIB reste inférieur de près de 3% à son niveau de 2019. Après une année 2021 où le PIB n’a rebondi que de 1,8%, soit le redressement le plus modeste parmi les pays du G7 suite au choc de 2020, l’économie s’inscrit en contraction de 0,2% en glissement trimestriel au T1 2022 face au retour de l’épidémie et à la dégradation du solde commercial. Si l’inflation a accéléré à 2,5% en avril, son plus haut depuis 2014, elle demeure insuffisante pour faire dévier la Banque du Japon de sa politique très accommodante et ce malgré la forte dépréciation du yen

Sources des données: Refinitiv, Bloomberg, US Bureau of Labor Statistics, US Bureau of Economic Analysis, Eurostat, BCE, Markit, Statistics Bureau of Japan, Japan Cabinet Office, National Bureau of Statistics of China.

Rédigé par

Louis MARTIN
Analyste économique

Le 31 mai 2022