Environnement économique - Juin 2022
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Retrouvez notre rétrospective de l'environnement économique du mois de juin 2022 des zones Amérique, Europe et Asie-Océanie
Les banques centrales haussent le ton
Nos perspectives économiques et financières
L’économie mondiale est confrontée à des tensions internationales aiguës qui attisent les pressions inflationnistes. Les origines de l’accélération des prix sont multiples et un régime d’inflation durablement plus élevée est en passe de s’installer. La normalisation des politiques monétaires des grandes banques centrales a été trop tardive et le durcissement du resserrement monétaire va affecter la dynamique d’activité. Ce mouvement de hausse de taux est un défi à l’heure où les besoins budgétaires des Etats demeurent importants pour lutter contre les effets récessifs de la pandémie et de la guerre. Par ailleurs, la géopolitique des matières premières et les positionnements affichés des Etats sur le conflit Russo-Ukrainien, soulignent la complexité des questions d’approvisionnement et de dépendance en matières essentielles, une problématique qui pénalisera particulièrement l’économie européenne.
La persistance d’un niveau d’inflation élevé, la diffusion de la hausse des prix aux biens manufacturiers et la menace d’une boucle prix-salaire ont amené les principales banques centrales (hormis la Chine et le Japon) à se montrer plus agressives et à accélérer le rythme de resserrement de leurs politiques monétaires. Les banquiers centraux sont confrontés à un exercice d’équilibriste, où il faudra jongler entre le maintien de la stabilité des prix et des perspectives économiques qui se dégradent. L’incertitude est quant à elle toujours aussi élevée avec le conflit en Ukraine qui se prolonge et les tensions sur les approvisionnements en énergie qui s’intensifient pour les pays européens et alimentent davantage la hausse des prix. En Chine, l’activité reste conditionnée par le maintien de la politique « zéro-Covid » qui rythme l’activité économique et par conséquent le commerce mondial et les approvisionnements de ses principaux pays partenaires. Sur le marché des changes, l’euro s’est déprécié de 3,04% et termine le mois à 1,039 dollar pour un euro. Le prix du baril de Brent a diminué de 6,5% sur le mois, pour atteindre 114$.
Aux États-Unis, les pressions inflationnistes se maintiennent et poussent la Réserve fédérale (Fed) à accélérer son rythme de resserrement monétaire. Au mois de mai, l’indice des prix à la consommation a augmenté de 8,6% en glissement annuel tandis que l’inflation sous-jacente décélère légèrement et passe de 6,2% à 6,0%. Face à la persistance des pressions inflationnistes, la Réserve fédérale a procédé à une hausse de 75 points de base (pb) de ses taux directeurs et le président de la Fed, Jerome Powell, a signalé qu’une hausse de 50 ou 75 pb serait vraisemblable lors de la prochaine réunion de juillet. Cette accélération du resserrement monétaire intervient dans un contexte où le marché du travail est particulièrement tendu avec un taux de chômage qui est stable depuis trois mois à 3,6% tandis que les rémunérations restent sur une dynamique nettement haussière malgré quelques signes de modération. Lors de son audition semi-annuelle devant le Congrès, Jerome Powell n’a pas écarté la possibilité que le resserrement monétaire conduise à une récession de l’économie. La Fed a révisé à la baisse ses prévisions de croissance du PIB (en T4 sur T4) à 1,7% en 2022 et 2023 contre respectivement 2,8% et 2,2% lors des prévisions du mois de mars. Pour l’heure, la plupart des indicateurs signalent une détérioration du climat de confiance et une dégradation de la dynamique d’activité. L’indice de confiance du consommateur de l’Université du Michigan a confirmé une forte baisse du moral en juin avec un indice au plus bas depuis le début de la série statistique. Les indicateurs d’enquête PMI sont aussi en repli dans le secteur manufacturier et passent de 57 points en mai à 52,4. L’indice marque aussi le pas dans les services et passe de 53,4 en mai à 51,6, confirmant un essoufflement des effets de rattrapage liés à la levée des restrictions sanitaires.
Au Royaume-Uni, l’inflation est toujours très élevée et atteint 9,1% en mai, un plus haut depuis 1982. Au cours des mois à venir, l’inflation devrait poursuivre sa hausse et atteindre un pic autour de 11% en octobre sous l’effet d’une augmentation de 50% des prix de l’énergie prévue par les régulateurs. Pour l’heure, la Banque d’Angleterre maintient son approche graduelle avec une nouvelle hausse du taux directeur de 25 points de base le portant ainsi à 1,25%. Lors du dernier comité, trois membres (sur neuf) se sont toutefois prononcés en faveur d’une hausse de 50 points de base. La hausse des prix semble se répercuter sur la dynamique de consommation puisque les ventes au détail ont baissé de 0,5% au mois de mai par rapport au mois précédent. L’industrie manufacturière est aussi en repli, pénalisée par la hausse des prix et les tensions sur les approvisionnements.
En zone euro, la BCE accélère aussi le rythme de normalisation de sa politique monétaire. Lors de la dernière réunion de politique monétaire, la présidente Christine Lagarde a annoncé la fin des achats mensuels du programme d’achats d’actifs à partir du 1er juillet 2022, mettant ainsi un terme à l’augmentation du bilan de la BCE. Par ailleurs, la BCE envisage un resserrement plus agressif avec une hausse de taux de 25 points de base en juillet et, vraisemblablement de 50 points de base en septembre. Enfin, face à la résurgence du risque de fragmentation des marchés souverains, la BCE a indiqué qu’elle accélérait la création d’un « nouvel instrument anti-fragmentation » qui sera présenté lors de la prochaine réunion de politique monétaire. Ce resserrement monétaire fait écho à une inflation qui atteint, au mois de mai, 8,1% en rythme annuel. La hausse des prix pèse sur l’activité et les indices de climat d’affaires PMI affichent un net ralentissement au mois de juin tant dans l’industrie manufacturière que dans les services (hors distribution). De même, l’indice de confiance des consommateurs enregistre un nouveau recul au mois de juin et frôle le plus bas historique atteint lors de la crise pandémique. L’activité en zone euro et l’évolution de l’inflation demeurent largement tributaires du conflit entre la Russie et l’Ukraine et de la capacité des pays européens à diversifier leurs sources d’approvisionnements en énergie sachant que le conseil de l’Union européenne a approuvé un embargo sur les importations de pétrole et de produits pétroliers en provenance de Russie à partir de la fin de l’année.
En Chine, l’activité se redresse au mois de mai grâce à la levée progressive des restrictions sanitaires. La production industrielle augmente de 0,7% en glissement annuel soutenue par des adaptations ciblées du confinement dans certains secteurs à Shanghai et d’un allègement des contraintes d’approvisionnement. Les annonces des autorités en faveur d’émissions d’obligations et d’investissement plus importants des gouvernements locaux ont permis de tirer les investissements qui se sont redressés de 4,5% au mois de mai. Malheureusement les perspectives restent très incertaines et conditionnées à l’évolution de la pandémie comme le démontre le renforcement de la politique « zéro covid » dans la ville de Shenzhen. Au Japon, la Banque du Japon a maintenu sa politique monétaire inchangée, estimant que la croissance serait moins importante que prévu tandis que l’inflation devrait être plus forte qu’anticipé. Les pressions inflationnistes sont restées stables mais se maintiennent à un niveau relativement élevé au mois de mai avec une inflation qui s’établit à 2,5% en glissement annuel, un rythme similaire à celui d’avril mais le plus fort au Japon depuis 2014. L’inflation énergétique reste élevée mais décélère pour le 3e mois consécutif grâce aux subventions sur le carburant mises en place par le gouvernement
Sources des données: Refinitiv, Bloomberg, US Bureau of Labor Statistics, US Bureau of Economic Analysis, Eurostat, BCE, Markit, Statistics Bureau of Japan, Japan Cabinet Office, National Bureau of Statistics of China.
Rédigé par
Mounira NAKAA
Analyste économique
Le 30 juin 2022