Environnement économique - février 2023
Temps de lecture : 5 min
Retrouvez notre rétrospective de l'environnement économique du mois de février 2023 des zones Amérique, Europe et Asie-Océanie.
Nos perspectives économiques et financières
Les nombreux défis soulevés par le conflit russo-ukrainien, et au-delà par la polarisation du monde, mettent à l’épreuve aujourd’hui plus que jamais l’Union européenne, à laquelle nous avons consacré nos perspectives économiques et financières de novembre 2022. Le projet européen est testé à la fois dans son fonctionnement institutionnel et dans son organisation économique, à travers la compatibilité et la solidarité des politiques budgétaires respectives de ses membres. Face à des politiques monétaires quasi unanimement restrictives, le risque de récession est grand. La hausse des taux d’intérêt souverains fait peser un risque de soutenabilité des dettes publiques et privées sur le continent et fait renaître le spectre d’un éventuel défaut d’un pays membre et de l’implosion de la structure de l’Union européenne.
Escalade des tensions
Après une année de conflit armé en Ukraine, les tensions géopolitiques continuent de se renforcer. Alors que les Etats-Unis et leurs alliés intensifient leurs soutiens à l’Ukraine et leurs sanctions à la Russie, cette dernière agite de plus en plus ostensiblement la menace nucléaire. Si la Chine appelle à des négociations de paix, elle ne cache pas sa proximité diplomatique avec la Russie et cherche à affirmer son leadership international aux dépens des Etats-Unis. Sur le plan économique, la résistance des marchés du travail américain et européens interroge sur les niveaux de resserrement que les banques centrales jugeront appropriés. Sur le marché des changes, l’euro s’est déprécié de 2% sur le mois et atteint 1,0619 contre le dollar. Le prix du baril de Brent a baissé de 0,7% sur le mois, à 83,87$.
Aux Etats-Unis, la Réserve fédérale a ralenti le rythme du resserrement monétaire. Le Comité de politique monétaire a annoncé un relèvement de 25 points de base de la fourchette des taux directeurs qui s’établit à [4,50% ; 4,75%]. Les banquiers centraux envisagent des hausses supplémentaires et ont souligné la dépendance aux données pour les futures décisions. Or les statistiques publiées depuis la réunion du 1er février ont témoigné de la vigueur de la consommation (ventes au détail en hausse mensuelle nominale de 3% en janvier), de l’emploi (517 000 créations de postes en janvier) et des prix (inflation à 0,5% en glissement mensuel en janvier), ce qui pourrait justifier un resserrement plus prononcé que celui considéré dans le dernier jeu de prévision de décembre 2022 qui impliquait un taux terminal à [5 ; 5,25%]. Par ailleurs, les données d’activité et d’enquête sur l’industrie indiquent une dégradation du secteur et l’immobilier poursuit son déclin. Sur le plan géopolitique, le mois a été marqué par l’escalade des tensions entre les Etats-Unis et leurs rivaux russes et chinois.
Au Royaume-Uni, le maintien des tensions salariales interroge sur la poursuite du resserrement monétaire. Lors de sa réunion de février, la Banque d’Angleterre a relevé son taux directeur de 50 points de base mais a laissé entendre que la fin du cycle de hausse pouvait être proche. L’inflation montre effectivement des signes de modération, avec une baisse mensuelle de 0,6% de l’indice des prix à la consommation en janvier, surtout du fait des prix de l’énergie. Toutefois, les salaires continuent d’accélérer à 6,7% en glissement annuel (hors primes), un niveau record depuis le début de la série en 2001 (hors rebond post-covid). Concernant l’activité, le Royaume-Uni évite de justesse la récession avec une stagnation trimestrielle du PIB au T4 2022 après le déclin du T3 (-0,2%).
En Zone euro,la BCE poursuit le resserrement monétaire. Les banquiers centraux ont relevé les taux directeurs de 50 points de base, portant le taux de dépôt à 2,50%, et ont l’intention de procéder à une nouvelle hausse de même ampleur en mars, puis de poursuivre à un rythme qui reste à déterminer par la suite. Malgré la modération de l’inflation à 8,5% en janvier, un plus bas depuis le mois de mai dernier, ainsi que des risques qui seraient « plus équilibrés » sur les perspectives d’inflation selon la BCE, la présidente Christine Lagarde a insisté sur la nécessité de poursuivre le durcissement monétaire en évoquant notamment les effets de la hausse des salaires, attendue à 5% cette année par la BCE. Concernant l’activité, les enquêtes PMI de février rapportent une dynamique solide dans les services alors que l’industrie reste en difficulté malgré un apaisement des tensions sur les chaînes d’approvisionnement.
En Chine, l’activité poursuit son redressement suite à la réouverture de son économie fin 2022. En particulier, les enquêtes PMI indiquent un rebond très prononcé des services qui étaient très exposés à la politique « zéro-covid ». Sur le plan diplomatique, le mois a été marqué par l’escalade des tensions avec les Etats-Unis. D’abord au sujet d’un dirigeable chinois dans l’espace aérien des Etats-Unis, suspecté d’être un appareil espion, détruit par un avion de chasse américain. Ensuite concernant le rapprochement de la Chine et de la Russie. Au Japon, Kazuo Ueda a été nommé pour succéder à H. Kuroda à la tête de la Banque du Japon. Lors d’auditions parlementaires, il a déclaré que l’assouplissement de la politique monétaire conduit par la BoJ était « approprié » et devait être poursuivi mais il a toutefois mis l’accent sur certaines de ses externalités négatives dont il souhaite atténuer les effets. La forte inflation enregistrée au Japon (4,3% en janvier, un plus haut en 41 ans) est en effet considérée comme temporaire par la BoJ pour qui, sans hausse durable des salaires, l’inflation devrait progressivement retourner sous la cible des 2%. Concernant l’activité, la croissance trimestrielle du PIB a atteint 0,2% au T4 2022, soit un modeste redressement après le déclin de 0,3% enregistré au T3.
Sources des données: Refinitiv, Bloomberg, US Bureau of Labor Statistics, US Bureau of Economic Analysis, Eurostat, BCE, S&P Global, Statistics Bureau of Japan, Japan Cabinet Office, National Bureau of Statistics of China.
Louis MARTIN
Analyste économique
Le 1er mars 2023