Environnement économique - Février 2022

Environnement économique

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Retrouvez notre rétrospective de l'environnement économique du mois de février 2022 des zones Amérique, Europe et Asie-Océanie

Nos perspectives économiques et financières

Nous avons consacré nos perspectives économiques et financières à l’analyse comparée de l’Allemagne, de la France et du Royaume-Uni, 3 pays qui n’échappent pas au mouvement de divergence que nous mettions en avant en début d’année. Force est de constater que l’Allemagne affiche des avantages indéniables. Le tissu industriel allemand est bâti sur une véritable logique de filière allant de l’apprentissage jusqu’à la définition des normes industrielles. Le Royaume-Uni, qui a fait le choix d’une spécialisation vers les services, bénéficie d’un environnement des affaires souvent considéré comme un des plus favorables au monde, ce qui contribue à son attractivité. Tout comme le Royaume-Uni, la France a vu la de son industrie fortement reculer. Une fiscalité lourde, une formation professionnelle peu adaptée et un poids élevé des services à faible valeur ajoutée pourraient pénaliser le pays face aux défis de demain. Au-delà de l’analyse de ces trois pays, la question d’un retour durable de l’inflation se pose. La désorganisation des chaînes de production mondiales, le soutien massif à la demande, la résurgence potentielle d’une boucle prix-salaire et la transition énergétique sont autant d’éléments alimentant le risque inflationniste.

Après l'épidémie, la guerre

Le mois a été marqué par un bouleversement géopolitique majeur avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie et ses conséquences sur les relations diplomatiques et économiques à travers le monde. Suite à cette offensive russe, l’OTAN et ses alliés ont annoncé une série de sanctions financières à l’encontre de la Russie, tels que l’exclusion du système de messagerie interbancaire SWIFT de certaines banques, des restrictions sur l’usage des réserves internationales de la Banque Centrale Russe ou encore le gel des actifs de certains citoyens russes. Néanmoins, cette crise vulnérabilise particulièrement l’UE dont une part significative de l’approvisionnement en énergie provient de Russie. De son côté, la Chine maintient une certaine ambiguïté dans son positionnement vis-à-vis du conflit et pourrait contribuer à amortir le poids des sanctions financières. Sur le marché des changes, l’euro s’est apprécié de 0,39% et termine le mois à 1,1199 dollar pour un euro. Reflet de cette crise, le rouble s’est déprécié de 26,3% sur le mois. Le prix du baril de Brent a augmenté de 10,72% sur le mois, pour atteindre 100,99$.

 

AmériqueLes Etats-Unis ont répondu à la crise ukrainienne par la mise en place de sanctions économiques sur la Russie. Les mesures annoncées par l’administration Biden concernent notamment la limitation de l’accès aux marchés financiers américains, l’interdiction des transactions en dollar, le gel des actifs pour certaines banques russes, ou encore des sanctions ciblées sur certaines personnalités et entreprises. Par ailleurs, la Maison Blanche a annoncé des restrictions à l'exportation vers la Russie de technologies sensibles américaines, y compris celles produites dans des pays étrangers à l'aide de logiciels d'origine américaine. Cela comprend les semi-conducteurs, les télécommunications, le cryptage, la sécurité, les lasers, les capteurs, la navigation, l'avionique et les technologies maritimes. D’autres sanctions pourraient être annoncées par la suite. Sur le plan économique, les effets directs de la crise devraient être relativement moins importants aux Etats-Unis qu’en Europe. En effet, les Etats-Unis sont exportateurs nets de produits énergétiques et entretiennent des liens commerciaux limités avec la Russie. Concernant la politique monétaire de la Réserve fédérale, les déclarations des membres du comité de politique monétaire (FOMC) ultérieures à l’invasion de l’Ukraine n’indiquent, pour l’heure, pas de changement d’approche suite à ces évènements. Une hausse du taux directeur reste donc attendue lors de la réunion du 15-16 mars. Concernant les données publiées sur le mois, le marché du travail reste tendu en janvier avec 467 000 créations de postes et l’inflation poursuit son accélération historique à 7,5%. Malgré le variant omicron, la consommation et la production industrielle ont été bien orientées en janvier, mais les indicateurs d’enquête sont plus mitigés concernant l’activité du mois de février.

 

EuropeAu Royaume-Uni, l'inflation a poursuivi son accélération en février (5,5%) tandis que le marché du travail reste tendu. La crise ukrainienne et ses conséquences en termes de croissance et d'inflation risquent de remettre en cause la trajectoire de normalisation de la politique monétaire de la Banque d'Angleterre (BoE). Une hausse de 25 points de base a déjà été annoncée début février portant le taux directeur à 0,5%. La BoE a par ailleurs acté la fin des réinvestissements des 875 Mds£ d’obligations souveraines qu’elle détient.

L’Union européenne (UE) a également mis en place des sanctions économiques à l’encontre de la Russie, en dépit du risque sur son approvisionnement énergétique. Outre les sanctions financières, l’UE a annoncé des restrictions sur les exportations vers la Russie de matériaux aéronautiques et technologiques, ainsi que des livraisons d’armes de défense à destination de l’Ukraine. L’Allemagne a également annoncé la suspension du projet de gazoduc Nord Stream2 et une augmentation de ses dépenses militaires de 100 Mds€ en 2022. Bien que les liens commerciaux directs entre l’UE et la Russie soient relativement limités (2,7% des exportations et 2,2% des importations des pays l’UE en moyenne en 2020), il s’agit d’un canal d’approvisionnement en énergie majeur pour l’économie européenne (40% des importations de gaz, 20% des importations de pétroles, 45% des importations de combustibles solides). Aussi, le renforcement des pressions inflationnistes exogènes résultant de cette crise, couplé à la dynamique toujours très modérée des salaires, pourrait freiner la consommation européenne. Du côté de la BCE, les déclarations des membres du conseil vont dans le sens d’une plus grande prudence dans la conduite de la politique monétaire eu égard de la situation en Ukraine. En effet, certains d’entre eux mettent en avant un risque de stagflation. Concernant les données économiques, l’inflation a continué de progresser à 5,1% en janvier et le chômage poursuit sa baisse. L’assouplissement des restrictions sanitaires et la légère atténuation des contraintes d’approvisionnement auraient également favorisé l’amélioration de l’activité sur le mois de février, d’après les indicateurs de confiance.

 

AsieEn Asie, la Chine adopte un positionnement ambigu vis-à-vis de l’invasion ukrainienne. Après s’être longtemps abstenues de commentaire engageant, les autorités chinoises ont déclaré le 24 février « comprendre les préoccupations de sécurité légitimes de la Russie » et « comprendre l’opération militaire spéciale ». Néanmoins, cinq jours plus tard, le gouvernement s’est dit « extrêmement préoccupé par les dommages causés aux civils » et a mis en avant sa volonté de jouer un rôle dans la négociation d’un cessez-le-feu. Le positionnement de la Chine pourrait influencer l’issue de la crise dans la mesure où elle pourrait amortir partiellement les effets des sanctions économiques imposées à la Russie en renforçant ses importations de produits énergétiques et en constituant une source de financements extérieurs pour l’économie russe, dans la continuité de son attitude suite à la crise ukrainienne de 2014. Au niveau des données économiques, l’inflation a ralenti à 0,9% en janvier, surtout en lien avec les prix du porc, et les indicateurs d’enquête sur l’activité ont surpris à la hausse en février, notamment soutenus par les célébrations du nouvel an lunaire. Au Japon, les débuts de l’année 2022 sont difficiles après une année 2021 décevante. Entre le retour de l’épidémie et des goulets d’étranglement, la production industrielle et la consommation déclinent sur le mois de janvier. L’inflation et les salaires maintiennent leur atonie en dépit d’un taux de chômage à 2,7%, ce qui amène la Banque du Japon à conserver une politique accommodante.

 

Sources des données: Refinitiv, Bloomberg, US Bureau of Labor Statistics, US Bureau of Economic Analysis, Eurostat, BCE, Markit, Statistics Bureau of Japan, Japan Cabinet Office, National Bureau of Statistics of China.

Rédigé par

Louis MARTIN
Analyste économique

Le 2 mars 2022