Environnement économique - août 2022
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Retrouvez notre rétrospective de l'environnement économique du mois d'août 2022 des zones Amérique, Europe et Asie-Océanie.
Les Banques centrales font de la lutte contre l’inflation leur priorité - 2ème partie
Nos Perspectives Économiques et Financières
L’économie mondiale est confrontée à des tensions internationales aiguës qui attisent les pressions inflationnistes. Les origines de l’accélération des prix sont multiples et un régime d’inflation durablement plus élevée est en passe de s’installer. La normalisation des politiques monétaires des grandes banques centrales a été trop tardive et le durcissement du resserrement monétaire va affecter la dynamique d’activité. Ce mouvement de hausse de taux est un défi à l’heure où les besoins budgétaires des États demeurent importants pour lutter contre les effets récessifs de la pandémie et de la guerre. Par ailleurs, la géopolitique des matières premières et les positionnements affichés des États sur le conflit Russo-Ukrainien, soulignent la complexité des questions d’approvisionnement et de dépendance en matières essentielles, une problématique qui pénalisera particulièrement l’économie européenne.
La persistance des tensions inflationnistes à un niveau élevé a conforté les banques centrales européenne et américaine à poursuivre le resserrement de leur politique monétaire. En Europe, les tensions sur les approvisionnements en gaz perdurent et continuent d’alimenter la hausse des prix tout en menaçant l’activité. En Chine, le gouvernement a multiplié les annonces de soutien budgétaire et poursuit sa politique monétaire accommodante alors que l’activité économique s’essouffle et risque d’être mise en difficulté par le ralentissement de la demande mondiale. Sur le marché des changes, l’euro s’est déprécié de 1,94% sur le mois et atteint 1,000 contre le dollar. Le prix du baril de Brent a diminué de 12,3% sur le mois, pour atteindre 96,49$.
Les pressions inflationnistes se sont atténuées au mois de juillet avec une inflation de 8,5% en glissement annuel (GA) après 9,1% le mois précédent mais la Fed maintient son ton restrictif. Jerome Powell, gouverneur de la Fed a d’ailleurs souligné l’importance de la stabilité des prix même si cela nécessite une période prolongée de croissance inférieure à la tendance. A ce titre, les données d’enquêtes montrent que la dégradation des perspectives économiques devrait se poursuivre. Au mois d’août, l’indice PMI du secteur des services est en zone de contraction de l’activité. Le secteur manufacturier reste résilient mais le recul des nouvelles commandes n’est pas de bon augure pour l’évolution future de l’activité.
Le secteur immobilier est quant à lui pénalisé par la hausse des taux. Les ventes de logements neufs sont toujours en baisse et diminuent de 12,6% en rythme mensuel en juillet. Enfin, sur le plan budgétaire, les sénateurs ont adopté le plan de l’administration Biden intitulé « Inflation Reduction Act » qui devrait diminuer l’impact de la hausse des prix et permettre une réduction du déficit public d’environ 300 Mds$ à horizon 10 ans.
Au Royaume-Uni, le PIB réel s’est contracté de 0,1% au T2 2022 en glissement trimestriel (GT). Ce repli s’est principalement concentré sur le mois de juin en lien avec les deux jours de congés exceptionnels accordés aux britanniques pour le jubilé de platine de la reine et le recul des dépenses de santé. La consommation a reculé de 0,2% (en GT) pénalisée par la hausse des prix qui ne présente pas de signe de détente. En effet, l’inflation poursuit son accélération et atteint 10,1% au mois de juillet après 9,4%, tirée par les prix de l’énergie et des biens alimentaires. Dans ce contexte, la Banque d’Angleterre (BoE) a relevé son taux directeur de 50 points de base lors de sa réunion de politique monétaire du mois d’août, le portant ainsi à 1,75%. La BoE prévoit par ailleurs que le Royaume-Uni entrera en récession à partir du 4e trimestre et que l’inflation devrait continuer d’augmenter et atteindre plus de 13% à la fin de l’année. Malgré la hausse des prix, le volume des ventes au détail a augmenté de 0,3% au mois de juillet en rythme mensuel mais cette hausse serait essentiellement liée à des promotions en ligne.
En zone euro, les craintes d’un repli de l’activité au second semestre s’accentuent. L’indice du climat des affaires PMI recule à nouveau et atteint 49,2 points en août, un niveau indiquant une contraction de l’activité du secteur privé par rapport au mois précédent. Les perspectives du secteur manufacturier apparaissent particulièrement dégradées avec un recul des nouvelles commandes et une accumulation des stocks. Du côté des services, les résultats de l’enquête révèlent une quasi-stagnation de l’activité en lien avec un repli de la demande. Malgré la dégradation des perspectives économiques, la BCE maintient son ton restrictif face à une inflation qui a atteint son plus haut historique au mois de juillet à 8,9% en GA (glissement annuel) tirée notamment par les prix de l’énergie qui progressent de 39,7%. Dans le compte rendu de la dernière réunion de politique monétaire de la BCE, les membres du conseil des gouverneurs estiment que les tensions inflationnistes persisteraient à moyen terme et la hausse des taux de 50 points de base a d’ailleurs été approuvée à l’unanimité des membres. Selon Reuters, plusieurs membres plaideraient même pour une hausse de taux de 75 pb lors de la prochaine réunion. Sur le plan budgétaire, plusieurs mesures ont été annoncées pour limiter la hausse de la facture de gaz pour les ménages et les entreprises notamment en France avec l’adoption par le parlement du plan en faveur du pouvoir d’achat et en Italie avec le prolongement du plafonnement des prix du gaz et de l’électricité pour les familles à bas revenus.
A contrecourant de la dynamique internationale, la Chine poursuit une politique économique expansionniste afin de relancer la demande. En effet, l’activité chinoise fait face à de nombreux vents contraires avec un secteur immobilier en difficulté, le recul de la demande internationale et la persistance de l’incertitude sanitaire. Au mois de juillet, l’activité chinoise a marqué le pas selon l’indice PMI du Bureau national de statistiques. L’indice manufacturier passe en zone de contraction tandis que l’indice non manufacturier se maintient en zone d’expansion malgré un ralentissement de l’activité. Les pouvoirs publics ont par ailleurs multiplié les annonces de mesures de soutien notamment pour le financement d’investissements en infrastructures mais aussi en faveur du secteur immobilier. Sur le plan monétaire, le niveau modéré de l’inflation qui a accéléré de 2,7% en GA au mois de juillet, permet à la Banque centrale chinoise de maintenir sa politique accommodante. Enfin, les tensions sino-américaines se sont intensifiées à la suite de la visite controversée à Taïwan de la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi.
Au Japon, l’activité reste toujours en deçà de son niveau d’avant crise. Le PIB nippon a rebondi de 0,5% au T2 2022 en glissement trimestriel tirée par la forte dynamique de la consommation et de l’investissement non résidentiel. Le PIB trimestriel demeure inférieur de 1,9% à sa moyenne de 2019 mais l’économie japonaise devrait continuer de bénéficier du soutien de la politique monétaire alors que l’inflation a dépassé la cible de 2%. La hausse du salaire minimum prévue en octobre et qui devrait enregistrer une progression record de 3,3% en 2022 pourrait stimuler la demande et les prix ce qui pourrait amener la Banque du Japon à reconsidérer sa politique monétaire.
Sources des données: Refinitiv, Bloomberg, US Bureau of Labor Statistics, US Bureau of Economic Analysis, Eurostat, BCE, S&P Global, Statistics Bureau of Japan, Japan Cabinet Office, National Bureau of Statistics of China.
Rédigé par
Mounira NAKAA
Analyste économique
Le 2 septembre 2022