Elections allemandes : le jeu et l’enjeu des coalitions
A moins d’un mois des élections, les récentes évolutions des sondages rebattent les cartes pour la composition du futur Parlement (Bundestag) et la désignation de la personne qui succèdera à Angela Merkel.
Pour la première fois depuis 2006, certains sondages placent le parti social-démocrate, le SPD mené par le ministre des finances Olaf Scholz, devant le parti chrétien démocrate et son allié bavarois, la CDU/CSU représentée par Armin Laschet. Les Verts, emmenés par Annalena Baerbock, constituent également, avec près de 20% des intentions de vote, une force politique qui jouera un rôle de premier plan dans la détermination d’une coalition gouvernementale. Enfin, le parti libéral, le FDP, et dans une moindre mesure l’extrême gauche (Die Linke) pourraient également intervenir dans les négociations qui se tiendront à l’issue des élections. Si toutes les options restent ouvertes pour la formation d’une coalition, les programmes font émerger de nombreux points de divergence entre, d’une part, les Verts et le SPD et, d’autre part, la CDU/CSU et le FDP. Ces deux blocs s’opposent aussi bien sur les questions européennes (réforme des règles budgétaires, pérennisation ou non du plan de relance européen) que sur les questions internes (réforme des règles budgétaires allemandes, mise en place d’un impôt sur la fortune, contrôle des loyers…). Pour autant le parlement allemand a déjà prouvé sa capacité à faire émerger un consensus, comme l’illustre les 8 années de coalition dite nationale entre la CDU/CSU et le SPD sous la chancellerie d’Angela Merkel. Au vue des sondages récents, et en prenant en compte les marges d’erreurs de ces sondages, toutes les options demeurent possibles, y compris celles dans lesquelles la CDU/CSU serait, pour la première fois depuis 2002, exclue de la coalition de gouvernement. Il convient de garder à l’esprit que, quel que soit le résultat de ces élections, la capacité de la future coalition gouvernementale à réformer en profondeur les règles budgétaires allemandes ou européennes pourrait être limitée par la chambre haute du pays, le Bundesrat, dont la composition dépend des coalitions de gouvernements au sein de chaque Land.
Historique des résultats des élections fédérales allemandes
« Les options de coalitions sont nombreuses à moins d’un mois des élections fédérales »
La remontée des sondages en faveur du SPD rebat les cartes
« La percée des socialistes du SPD au cours des dernières semaines renforce l’incertitude quant à l’issue des élections. »
Le 26 septembre prochain se tiendront les élections fédérales allemandes à l’issue desquelles sera constituée la nouvelle chambre basse (le Bundestag) et sera désigné le nouveau chancelier. Le futur chancelier sera choisi par le parti majoritaire, ou le premier parti de la coalition majoritaire.
Les trois principaux candidats en lice pour ce poste sont :
- Armin Laschet, président de la CDU et dirigeant de la Rhénanie-du-Nord Westphalie, pour la CDU/ CSU (Union Chrétienne Démocrate d’Allemagne et l’Union Chrétienne-Sociale en Bavière)
- Olaf Scholz, actuel ministre des finances et vice-chancelier, pour le parti SPD (social-démocrate allemand)
- Et enfin Annalena Baerbock, députée pour les Verts (Die Grünen).
Le parti libéral (le FDP, Freie Demokraten Partei), mené par le député Christian Lindner, jouera également un rôle important dans la détermination d’une coalition de gouvernement au vu de sa place dans les sondages.
A moins d’un mois des élections, les sondages apparaissent encore très volatils et ne permettent pas de dégager clairement un potentiel vainqueur. Après avoir atteint près de 35% en 2020, en pleine crise du Covid, les intentions de votes en faveur de la CDU/CSU ont fortement reculé au cours des dernières semaines. Les Verts, qui sont restés devant le SPD tout au long de l’année dernière, ont également perdu du terrain. A l’inverse, le SPD a remonté dans les sondages et aurait même, selon l’institut Forsa, dépassé le score de la CDU/CSU (à 22% contre 23% pour le parti d’Armin Laschet). Enfin, le FDP, parti libéral mené par Christian Lindner, a également vu sa cote de popularité remontée depuis le début de l’année.
Certains observateurs attribuent la perte de popularité de la CDU/CSU aux problèmes de communication de son candidat Armin Laschet, notamment lors des inondations qui ont frappé le pays cet été. Du côté des Verts, la perte de vitesse du parti peut également s’expliquer par les difficultés rencontrées par sa candidate Annalena Baerbock, dont l’image a été quelque peu écornée au cours des derniers mois (elle est notamment accusée d’avoir partiellement falsifié son CV). A l’inverse, Olaf Scholz, actuel ministre des finances, ferait figure d’homme d’expérience, notamment en raison de son rôle au sein du gouvernement.
D’importantes divergences au sein des programmes
« Les questions budgétaires et européennes constituent des points de divergences entre la gauche et la droite allemande »
La comparaison des programmes des différents partis souligne les divergences idéologiques entre, d’une part, le SPD et les Verts, et d’autre part, la CDU/CSU et le FDP. Ces différences, notamment sur le plan fiscal et européen, nécessiteront d’importants compromis en vue de la formation d’une coalition de gouvernement.*
1/ Politique budgétaire
Les lignes de fracture sont particulièrement visibles notamment en ce qui concerne les règles budgétaires allemandes. Ces dernières stipulent que (1) le solde public du gouvernement fédéral doit être excédentaire ou à l’équilibre (Schwarze Null) et (2) qu’en cas de ralentissement, le déficit structurel du gouvernement fédéral ne doit pas être supérieure à 0,35% du PIB (règle du frein à l’endettement). Ces règles ont, dans le cadre de la crise du Covid, fait l’objet d’une clause dérogatoire en 2020 et 2021. L’endettement accumulé dans le cadre de cette dérogation est toutefois inscrit sur un compte de contrôle et doit faire l’objet d’un plan de réduction sur plusieurs années.
La CDU/CSU et le FDP souhaitent conserver cette règle et militent par ailleurs pour un arrêt de la clause dérogatoire dès que possible. Les deux partis visent donc un retour à l ’équilibre budgétaire ainsi qu’une trajectoire de réduction de la dette pour retourner en-dessous du seuil des 60% du PIB (en 2021, la dette publique allemande atteindrait 73% du PIB selon les estimations de la Commission Européenne). Les deux partis s’opposent par ailleurs à toute augmentation de la taxation des ménages. Ils souhaitent abolir la taxe de solidarité, taxe établie dans les années 1990 pour financer la réunification. Cette taxe a été partiellement supprimée mais s’applique encore aux ménages allemands les plus fortunés. Le FDP vise également une réduction du taux d’imposition sur le revenu pour les ménages les plus fortunés. La CDU/CSU promet par ailleurs une réduction de la charge fiscale pesant sur les ménages plus modestes, notamment en augmentant le seuil minimum d’imposition pour les bas salaires. Du côté des entreprises, la CDU/CSU souhaite simplifier les règles de comptabilité, et espère ainsi réduire le taux d’imposition effectif des entreprises à 25% (contre environ 29% actuellement). Sur ce point, le FDP est plus explicite et annonce une réduction du taux d’imposition des entreprises à 25%. En ce qui concerne l’investissement, Armin Laschet a mentionné la possible création d’un fonds d’investissement public (Deutschlandsfonds) destiné à financer la transition écologique à travers le développement des infrastructures liées aux voitures électriques. Du côté du FDP, le parti souhaite augmenter l’investissement privé via des réductions d’impôts. Le FDP vise ainsi à ce que la part de l’investissement dans le PIB atteigne 25%. Le parti souhaite également limiter la place de l’Etat dans les entreprises, notamment au sein de Deutsche Post et de Deutsche Telekom.
A l’inverse, le SPD et les Verts adoptent une approche moins rigoriste des finances publiques. Le SPD, mené par l’actuel ministre des finances Olaf Scholz, ne s’est pas prononcé en faveur d’une modification des règles budgétaires mais souhaite cependant utiliser « toute la flexibilité de ces règles » afin d’éviter une politique d’austérité. Les Verts, en revanche, appellent à une réforme des règles budgétaires afin de permettre le financement des investissements publics. En ce qui concerne la taxation des ménages, le SPD et les Verts veulent augmenter le taux d’imposition des ménages les plus fortunés tout en réduisant la charge des allemands les plus modestes, à travers des réductions d’impôts ou une augmentation des transferts. Les deux partis s’accordent par ailleurs sur l’instauration d’un impôt sur le patrimoine ainsi que sur une augmentation du taux de taxation des revenus du capital. Sur le plan de la taxation des entreprises, les deux partis ne mentionnent pas de hausse de taux mais insistent plutôt sur les soutiens à l’investissement privé dans le domaine du numérique et de l’écologie, notamment au travers du développement de fonds de capital risque. Enfin, les deux partis militent pour une nette augmentation de l’investissement public. Les Verts souhaitent voir sa part dans le PIB passer à 3,5% (contre 2,0 à 2,5% au cours des dernières années). Pour ce faire, les Verts prévoient un plan d’investissement de 50 Mds€ (soit 1,5% du PIB) par an pendant 10 ans pour promouvoir la transition « verte » (digitalisation, transports en commun et voitures électriques). Du côté du SPD, le programme du parti prévoit au moins 50 milliards d’euros d’investissement public par an, également orientés vers la transition écologique et numérique.
2/ Politiques sociales et de la réglementation du marché du travail.
Les Verts et le SPD souhaitent ainsi porter le salaire minimum à 12€/heure à 2022 (contre 9,5€/heure actuellement et 10,45€ à horizon 2022), ce à quoi la CDU/CSU et le FDP s’opposent. En 2015, la « Grande Coalition » a introduit un salaire minimum de 8,5€/heure. Contrairement au SMIC français, le salaire minimum allemand ne fait pas l’objet d’un mécanisme de revalorisation automatique ou d’indexation sur l’inflation. Une commission pour le salaire minimum (Mindestlohn Kommission), regroupant syndicats et représentant patronaux, est chargée de proposer une revalorisation au gouvernement au moins tous les deux ans. En 2020, les propositions concernant l’évolution du salaire minimum ont divisé la Commission: les représentants syndicaux ont appelé à une augmentation à 12€/heure à laquelle les employeurs se sont opposés. En définitive, un compromis a été trouvé avec une augmentation du salaire minimum en plusieurs phases : 9,60€ au 1er juillet 2021, 9,82 au 1er janvier 2022 puis 10,45 au 1er juillet 2022. Par ailleurs, les Verts et le SPD souhaitent également limiter l’utilisation du travail précaire ainsi que les sanctions pouvant s’appliquer aux chômeurs dans le cadre la loi Hartz IV. Le FDP comme la CDU/CSU s’opposent à une augmentation du salaire minimum ou à un durcissement de la législation sur le travail.
3/ Retraites
Le SPD et les Verts prévoient de maintenir le taux de remplacement (pourcentage du revenu d’activité que conserve un salarié lorsqu’il fait valoir ses droits à la retraite) à 48% du salaire moyen et s’engage à maintenir l’âge de départ à 67 ans (l’âge de la retraite est actuellement de 65 ans et sera porté à 67 ans d’ici à 2030). De son côté, la CDU/CSU ne prévoit pas non plus de modifications majeures du système de retraite à court terme et n’a pas évoqué, malgré une recommandation récente du panel d’expert conseillant le ministre de l’économie, une
hausse de l’âge de départ. Le parti souhaite par ailleurs renforcer le développement des fonds de retraites privés et étudie la mise en place d’une « pension générationnelle » (Generationenrente). La CDU/CSU n’a fourni que peu de détail quant à cette proposition. Il s’agirait d’un fonds de retraite dans lequel l’état investirait un montant mensuel de la naissance jusqu’à l'âge de 18 ans et dont les intérêts seraient utilisés pour financer les retraites actuelles.
4/ Politique du logement
Egalement un sujet de clivage. Au cours des dix dernières années, les prix résidentiels ont rapidement augmenté en Allemagne, sur fonds de taux bas et d’offre limitée. Dans ce contexte, on observe également une rapide augmentation des loyers au sein des grandes villes. Tous les partis s’accordent pour une augmentation de l’offre immobilière. Le SPD et les Verts souhaitent par ailleurs augmenter l’offre de logements sociaux (1 million de nouveaux logements sociaux d’ici à 2031 pour les Verts et 100 000 logements sociaux par an pour le SPD). En revanche, des divergences importantes apparaissent en ce qui concerne le contrôle des loyers. Les Verts souhaitent instaurer des seuils pour les loyers et limiter leur croissance annuelle à 2,5% maximum. Le SPD milite pour un gel temporaire des loyers dans les régions où leurs croissance est supérieure à l’inflation. La CDU/CSU et le FDP s’opposent pour leur part à toute mesure de contrôle des loyers.
5/ Politique environnementale
Les objectifs affichés par les Verts sont, sans surprise, plus ambitieux que ceux de la CDU/CSU et du SPD. La CDU/ CSU vise une réduction des émissions de CO2 de 65% par rapport au niveau de 1990 d’ici à 2030 et une économie neutre en carbone d’ici à 2045, notamment en sortant du charbon d’ici à 2038. Le SPD affiche des objectifs relativement similaires. Le parti socialiste démocrate souhaiterait toutefois sortir du charbon avant 2038 et affiche un objectif de 15 millions de voitures électriques d’ici à 2030. Les Verts souhaitent réduire les émissions de CO2 de 75% d’ici à 2030 et espère atteindre la neutralité carbone dès 2040. Le parti souhaite par ailleurs interdire les immatriculations de véhicules émettant du CO2 dès 2030 et favoriser la suppression des vols domestiques dès 2035. Le SPD, comme la CDU/CSU, souhaite mettre en place des politiques de compensation pour les ménages les plus modestes qui enregistrent une perte de revenu en raison de l’augmentation du prix du carbone. Le FDP présente moins d’objectifs chiffrés pour sa politique environnementale et s’oppose par ailleurs à toute interdiction des véhicules à carburants fossiles.
6/ Europe
La CDU/CSU tout comme le FDP souhaitent conserver les règles budgétaires du Pacte de Stabilité et de Croissance (déficit public de 3% au maximum et objectif de dette de 60%) en l’état et les réactiver dès 2022 (ces derniers font, à l’instar de la règle budgétaire allemande, l’objet d’une clause dérogatoire). Le FDP va par ailleurs plus loin et appelle à un durcissement des sanctions en cas de non-respect du PSC. Pour les deux partis, le plan de relance de l’Union Européenne, qui prévoit la distribution de subventions aux différents Etats- Membres, doit rester une mesure exceptionnelle. La CDU/CSU comme le FDP rejette donc toute forme d’union budgétaire et s’oppose à de nouvelles émissions de dette commune. A l’opposé, les Verts et le SPD militent pour une réforme du pacte de stabilité et de croissance afin d’établir des règles qui faciliteraient l’investissement public. Les Verts comme le SPD se montrent par ailleurs plus favorables à la mise en place d’une capacité budgétaire européenne. Les Verts appellent explicitement à une pérennisation du plan de relance européen. En ce qui concerne l’achèvement de l’Union Bancaire, la CDU/CSU, comme le FDP, émet des réserves quant à la mise en place du système européen de garantie de dépôt. Le FDP souligne, en particulier, le risque de mutualisation indirecte de dette (à travers des banques fortement exposées au risque souverain) et appelle à un assainissement préalable des bilans bancaires. Les Verts et le SPD apparaissent, en revanche, favorables au système de garantie des dépôts. Autre point de divergences, les Verts et le SPD souhaitent également la mise en place d’un mécanisme européen de réassurance chômage (un fond européen qui viendrait soutenir les régimes d’assurances chômage nationaux en cas de crise, à l’instar des fonds déployés de manière exceptionnelle dans le cadre de la crise du Covid). Les deux partis sont également en faveur d’un salaire minimum européen. En effet, la Commission Européenne souhaite établir un salaire minimum à l’échelle de l’Union. Ce salaire devrait représenter 60% du salaire médian, ce qui n’est pas le cas actuellement en Allemagne. Néanmoins, ce seuil serait atteint avec une augmentation du salaire minimum à 12€ de l’heure, comme le souhaitent les Verts et le SPD. En ce qui concerne la mise en place de taxes européennes, la CDU/CSU, les Verts et le SPD sont en faveur de la mise en place d’une taxe financière européenne, ce à quoi s’oppose le FDP.
7/ Relations internationales et la politique de défense
Elles constituent une dernière ligne de clivage entre les partis. Ces derniers ne s’accordent pas sur les fonds devant être consacrés à la défense. En 2006, les pays-membres de l’OTAN se sont mis d’accord pour y consacrer 2 % au moins de leur produit intérieur brut (PIB), or cette part atteint 1,1% du PIB en Allemagne en 2019. La CDU/CSU souhaite respecter les engagements auprès de l’OTAN, tout comme le FDP, qui prévoit même de porter la part des dépenses consacrées à la défense à 3% du PIB. A l’opposé, le SPD et les Verts s’opposent à cette augmentation. Les divergences en termes de relations internationales transparaissent aussi vis-à-vis de la posture à adopter face à la Russie. Ainsi, les Verts, mais aussi le FDP, appellent à une suspension du projet Nord-Stream 2, le gazoduc soutenu par la CDU/CSU et devant relier la Russie à l’Allemagne via la mer Baltique. Le SPD appelle, pour sa part, à un dialogue constructif avec la Russie, à condition que le Kremlin respecte les accords de Minsk, accords qui visent à mettre fin aux conflits en cours en Ukraine.
Les options de coalitions sont nombreuses
« La percée des socialistes du SPD au cours des dernières semaines renforce l’incertitude quant à l’issue des élections. »
Comme à chaque cycle électoral, la formation d’un gouvernement nécessitera la mise en place d’une coalition parlementaire. Le mode de scrutin allemand est complexe. Il est dit mixte à finalité proportionnelle. Chaque électeur dispose de deux voix. La première voix lui permet d'élire un député dans le cadre d'une circonscription. Ce premier vote, uninominal à un tour, permet d’assurer que chaque circonscription soit représentée au parlement. Ce premier vote permet donc de désigner au moins la moitié des députés (299 députés pour 299 circonscriptions sur un nombre minimum de sièges de 598). La seconde voix permet à l’électeur de choisir une liste présentée par un parti au niveau de chaque Land. Ce vote détermine, selon un scrutin proportionnel, la répartition globale des sièges au parlement. Seuls les partis ayant obtenu au moins 5% des voix (ou trois sièges directes) peuvent concourir à la répartition proportionnelle. C’est donc cette seconde voix qui détermine le rapport de force au parlement.
D’un point de vue purement comptable, au moins sept coalitions semblent de l’ordre du possible en tenant compte de la marge d’erreur des sondages et des proximités idéologiques.
L’hypothèse d’une « Grande Coalition », qui réunirait le SPD et la CDU/CSU, apparaît moins probable que par le passé. En effet, les 8 ans de coalition avec la CDU/CSU sous la chancellerie d’Angela Merkel semblent avoir joué en défaveur du SPD. La nouvelle direction du parti social démocrate est moins encline à redonner la chancellerie à la CDU/CSU en tant que partenaire mineur d’une nouvelle coalition et cela d’autant plus que les lignes de clivages, sur l’Union Européenne, l’investissement public ou encore le marché du travail, sont nombreuses. Une telle option pourrait donc favoriser un certain immobilisme. Une coalition qui regrouperait la CDU/ CSU, le SPD et le parti libéral FDP risquerait d’isoler le SPD, tant le programme du parti socialiste diverge de celui du FDP, notamment sur la question du marché du travail et de la taxation. En revanche, une coalition qui regrouperait la CDU/CSU, le SPD et le Vert pourrait permettre à la gauche allemande de peser davantage. Le risque de statu-quo dans un tel cas reste toutefois important.
En l’absence d’une nouvelle alliance entre CDU/CSU et le SPD, les Verts apparaissent incontournables dans la formation d’une coalition de gouvernement. Les lignes de fractures avec la CDU/CSU sont là aussi nombreuses, tant sur les questions européennes, fiscales (la définition des règles budgétaires allemandes ou les taux d’imposition) ou sociales (politique du logement notamment). Néanmoins, les deux partis gouvernent actuellement deux Landërs allemands (Hesse et Bade-Wurtemberg). Par ailleurs, après plus de 16 ans dans l’opposition, les Verts pourraient être plus enclins à rejoindre une coalition, même en tant que partenaire mineur, en particulier s’ils obtiennent des concessions sur certains points de leur programme, notamment la politique environnementale. En l’état actuel des sondages, une coalition entre la CDU/CSU et les Verts ne permettrait pas de dégager une majorité. Un partenaire serait donc nécessaire.
Dans cette perspective une coalition entre la CDU/CSU, les Verts et le FDP pourrait voir le jour. En 2017, les trois partis avaient tenté de former une telle coalition (dite « coalition jamaïcaine en référence aux couleurs des partis et du drapeau du pays). Le président du FDP, Christian Lindner avait toutefois choisi de mettre un terme aux négociations. Aujourd’hui, le FDP apparaît plus enclin à former une telle coalition, en particulier dans la mesure où la CDU/CSU représenterait le partenaire majeur. Il existe néanmoins de nombreuses divergences entre le FDP et les Verts, notamment en ce qui concerne les questions environnementales.
Enfin, les derniers sondages ouvrent la possibilité à la formation d’un gouvernement qui exclurait la CDU/ CSU, ce qui serait une première depuis 2002. En la matière, deux options sont envisageables. Premièrement, une coalition qui regrouperait le SPD, les Verts ainsi que le parti libéral FDP (on appelle parfois cette coalition « Feu de circulation » en référence aux couleurs). Une telle coalition existe déjà et gouverne le Land de la Rhénanie-Palatinat. Une coalition entre le SPD et les Verts apparaît relativement simple à mettre en place au regard des proximités idéologiques. En revanche, les divergences avec le FDP sont nombreuses, et ce à tous les niveaux. Une autre option serait la formation d’une coalition de gauche qui regrouperait le SPD, les Verts et le parti d’extrême gauche Die Linke. Les trois partis affichent une convergence idéologique assez importante sur les questions économiques (impôts plus distributifs, contrôle des loyers, politique environnementale plus ambitieuse, taxe sur les transitions financières …). En revanche, les trois partis pourraient s’opposer sur les questions de politique internationale. Die Linke propose en effet une dissolution de l’OTAN et s’oppose par ailleurs à toute initiative de défense au niveau européen. Par ailleurs, Die Linke appelle à un rapprochement avec la Russie, tandis que les Verts souhaitent stopper les travaux de Nordstream 2.
Au-delà des options de coalition, il faut garder en tête que le processus législatif allemand fait également intervenir les membres de la chambre haute (le Bundesrat). Le Bundesrat, ou Conseil fédéral, représente les seize Landërs allemands. Ses membres sont nommés par les gouvernements des Landërs et représentent donc les coalitions au pouvoir au niveau local. Les représentants de chaque Land vote par donc par bloc. La composition du Bundesrat change au gré des élections régionales, avec un mandat compris entre trois et quatre ans. Les élections régionales se tiennent régulièrement (sur les 16 Landërs, 5 tiennent élections en 2021, 4 en auront en 2022 et 3 en 2023). Les membres du Bundesrat représentent leur Landër avant leur parti. Les membres du Bundesrat disposent d’un droit de véto sur les législations touchant à l’autonomie administrative des Landërs ou ayant des répercussions sur leurs finances. Dans les faits, le Bundesrat dispose donc d’un droit de veto sur de nombreuses questions européennes ou fiscales. L’approbation du Bundesrat a notamment été nécessaire pour approfondir les communautés européennes et donner naissance à l'Union européenne telle que la prévoyait le traité de Maastricht. A l’heure actuelle, la CDU/ CSU, le SPD est les Verts disposent d’une représentation assez large au sein des différents Landërs pour avoir un pouvoir de blocage. La CDU/CSU conserverait ainsi, même si elle était exclue d’une future coalition gouvernementale, un pouvoir de blocage important qui limiterait les réformes possibles au niveau européen ou concernant les règles budgétaires allemandes.
Rédigé par
Pierre Bossuet
Analyste Macro-Economique
Le 1er septembre 2021
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