Edito - Novembre 2021
Inflation
Cela fait des décennies que la Banque centrale américaine mène le monde économique et financier. Elle est celle qui déclenche les hausses de taux, celle qui peut mettre à mal les économies émergentes par la hausse du coût de l’emprunt en dollar mais aussi celle qui « sauve le monde » lorsqu’elle décide d’inonder le marché de dollars peu chers.
Donc historiquement, les banques centrales du monde entier attendent respectueusement le sens du discours et les interventions de la FED afin d’adapter leur propre politique.
Aujourd’hui, il semble que nous soyons en train de vivre une rupture dans ce rangement bien ordonné qu’est le processus de politique monétaire mondiale. Pourquoi ? Parce que la Banque centrale américaine est loin d’être la première à modifier sa politique monétaire.
Bien avant que la FED ne soit claire sur le ralentissement de ses achats d’actifs, la Banque centrale néo-zélandaise et la Banque centrale anglaise s’orientaient déjà vers un discours plus restrictif. Depuis quelques semaines, nous observons la multiplication des hausses de taux de par le monde. Dans le monde émergent d’abord, de la Pologne au Brésil en passant par la Russie ; dans le monde développé ensuite, où le Canada, la Nouvelle-Zélande et la Corée sont entrés dans une phase active d’arrêt d’achats d’actifs et de hausse de taux directeurs.
« La préoccupation de tous ces pays est la même : l’inflation »
On a longtemps craint que la déflation s’installe, et maintenant, le sujet de toutes les inquiétudes est son contraire, l’inflation.
Revirement étrange et inattendu : la politique monétaire non conventionnelle usée et abusée de par le monde n’a pas réussi à faire repartir l’inflation. Ce que les banques centrales n’ont pas su faire, la COVID-19 l’a fait ou, plus exactement, les décisions des gouvernements en réaction à la pandémie l’ont fait.
Mettre en sommeil la production pendant qu’on abreuvait de liquidités les consommateurs et les marchés financiers a créé un déséquilibre de l’offre par rapport à la demande : déséquilibre dont les pénuries multiples en sont l’illustration parfaite (sur fond de chaînes de valeurs éclatées au niveau mondial).
Alors la question qui risque de se poser est la suivante : la FED est-elle en retard dans son processus de resserrement monétaire ?
Il est encore trop tôt pour trancher sur ce sujet. Cette inflation peut obérer significativement les marges des entreprises, le pouvoir d’achat des ménages en contraignant la demande et stopper dans l’œuf la spirale inflationniste (et peser sur la croissance).
Doit-on préférer une inflation qui implique une forte hausse des taux avec le risque de voir les marchés actions fortement corrigés ? Ou une inflation qui pèse sur la croissance, forçant les banques centrales à changer de rythme voire d’orientation ? Choix difficile s’il en est.
Il existe peut-être une troisième voie, celle dont les banques centrales se font les avocates infatigables : l’inflation transitoire. C’est clairement le meilleur des mondes. L’offre s’ajuste à la demande, les pressions inflationnistes se réduisent et la croissance se maintient. Dans ce monde idéal, la valorisation des marchés actions se normalisent et on évite le Grand Soir.
Rédigé par
Lucile LOQUÈS
Directrice du pôle Actions Internationales
Le 18 novembre 2021
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