Edito - Avril 2023
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Nid de cendres*
La constitution d’un monde bipolaire se poursuit. Et le sceau de la coopération stratégique entre la Chine et la Russie rappelle son caractère antagoniste. Il s’agit bien d’un affrontement entre les États-Unis et la Chine qui prend des formes multiples et qui a déplacé le centre du monde sur la zone pacifique. Si la guerre en Ukraine a resserré les liens transatlantiques et remobilisé l’OTAN, elle est aussi l’occasion d’une prise de conscience matérialisée par les votes des résolutions à l’ONU de l’absence d’adhésion générale aux « vérités » occidentales. Bien au contraire. En guise d’illustration, on peut noter que l’Organisation de Coopération de Shangaï enregistre toujours plus de candidatures dont certaines inattendues, à l’image de celle du royaume saoudien. Le renforcement du partenariat « sans limite » entre la Chine et la Russie peut sembler naturel au regard de la longueur de leur frontière commune. Mais au-delà de la géographie, l’endiguement scientifique et technologique imposé par les États-Unis à la Chine explique aussi cette posture de soutien de Pékin envers Moscou. Car la perspective de bénéficier de la qualité des ingénieurs et savoir-faire russes en matière scientifique, civil et militaire est de nature à encourager la Chine à soutenir l’effort de guerre de son voisin. Un facteur aussi déterminant que le futur ravitaillement en hydrocarbures par voie terrestre, plus sûr que les voies maritimes, elles-mêmes plus susceptibles de blocus.
« La formation de deux ensembles mondiaux s’accélère et conduit à des rapprochements de raison, tels ceux entre le Japon et la Corée du Sud ou entre l’Iran et l’Arabie Saoudite. »
Elle provoque aussi des conséquences majeures sur la sphère économique, ancre structurellement l’inflation pour une longue période et bouleverse les stratégies des entreprises internationales. Ces dernières ont profité pendant plusieurs décennies d’un mouvement historique d’ouverture. Une mondialisation qui leur a permis tout à la fois de bénéficier de matières premières, de capitaux disponibles, de normes de productions allégées, d’un effondrement de leurs coûts de main d’œuvre et de l’apparition d’un marché planétaire. Or, cette configuration disparait peu à peu avec cette scission du monde et rend nécessaire une transformation majeure des stratégies des entreprises au regard de leurs processus de production et de leurs marchés de destination. Il leur sera dorénavant plus difficile de participer à la « conversation globale » et de développer une approche multi-alignements. Des choix engageants seront à prendre au prix de l’abandon d’une ambition géo-économique globale dans l’espoir d’exister au sein de l’un des deux ordres mondiaux.
*Le nid de cendres (théâtre) de Simon Falguières : le monde est coupé en deux ; celui des hommes et celui des contes. Les deux s’ignorent et sont en péril…
Francis JAISSON
Directeur général délégué en charge de l'ensemble des Gestions, de la Commercialisation, de la Négociation et de l'ensemble des Recherches
Le 14 avril 2023
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