La situation italienne
L’Italie, l’arbre qui cache la forêt.
Les taux italiens ont flambé ces derniers jours sur fond de crise politique à l’italienne, largement relayée et commentée par la presse nationale et internationale. Les marchés financiers européens ont plié sous la pression. Ainsi, le CAC 40, l’indice phare français, est passé de 5 570 à 5 438 points entre vendredi et le mardi suivant alors que l’indice italien passait de 22 795 à 21 351 points. Les pays périphériques n’ont pas échappé à la diffusion des inquiétudes.
La crise italienne est davantage un révélateur qu’un facteur explicatif du repli de la monnaie européenne. L’euro avait amorcé son retournement depuis quelques semaines sur la base de deux facteurs principaux :
- L’Europe est la première menacée par la politique de Donald Trump fondée sur la remise en cause des relations commerciales multilatérales. Son taux d’ouverture au monde est plus de trois fois supérieur à celui des Etats-Unis.
- La déception sur la croissance européenne depuis le début de l’année affecte le différentiel de croissance anticipée pour 2018. Ce différentiel, après s’être réduit sur l’année 2017 à la faveur d’attentes plus favorables pour la zone euro, un soutien fort pour l’euro, a de nouveau progressé sur le mois de mai.
Il n’y avait pas eu d’inquiétude marquée sur l’Italie avant la récusation par le Président de la République du ministre des Finances proposée par le futur président du Conseil issu des élections comme en atteste l’orientation des taux italiens depuis le début de l’année avant les annonces politiques récentes.
Peut-on qualifier la situation actuelle de retour de la crise de la dette souveraine en Europe ?
La réponse est oui au regard des effets sur les taux d’intérêt des dettes souveraines des pays dits périphériques. Les taux portugais, grecs, espagnols n’ont pas résisté à la contagion.
La réponse est non si l’on compare la situation actuelle avec celle qui prévalait lors de la crise grecque. L’Italie dispose d’un solde primaire positif et est moins dépendante des capitaux extérieurs du fait du caractère domestique de ses détenteurs de dette, ce qui n’était pas le cas de la Grèce.
Nous vivions à l’époque sans outils de gestion de la zone euro, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui (OMT -opérations monétaires sur titres-, APP -programme d’achats d’actifs-, ESM -Mécanisme Européen de Stabilité) même si ces outils sont perfectibles et n’ont pas encore été testés dans une situation de crise aigüe.
Néanmoins, l’état du système bancaire européen n’est plus le même. Les résolutions bancaires récentes en Espagne et en Italie se sont bien déroulées et ont été approuvées par les institutions européennes. La situation économique des pays périphériques, même si elle reste fragile, s’est considérablement améliorée (solde budgétaire : -0,3% PIB pour l’Irlande, 0,8% PIB pour la Grèce, -3% PIB pour le Portugal, -3,1% PIB pour l’Espagne et -2,3% PIB pour l’Italie, solde de leur balance courante : +3,4%PIB en Irlande, -0,2%PIB pour la Grèce, +0,4% pour le Portugal, 1,9% PIB pour l’Espagne et +2,8% PIB pour l’Italie ) . Enfin, la croissance européenne reste positive même si elle demeure contrainte comme nous l’avons déjà expliqué à plusieurs reprises (voir nos Perspectives Economiques et Financières des 19 octobre 2017 et 15 février 2018). L’accélération encore anticipée par les marchés en début d’année associée à des attentes plus frileuses sur l’économie américaine est un scénario qui n’avait pas nos faveurs.
Un premier problème récurrent obère la visibilité sur les marchés financiers : le marché des devises et sa volatilité sur lequel viennent se cristalliser les anticipations et les préoccupations des financiers. A cela vient s’ajouter la complexité du marché pétrolier. La hausse des prix du pétrole a des effets négatifs qui se font sentir sur certains pays émergents comme l’Inde ou le Brésil alors même que le niveau atteint ne semble pas excessif en comparaison de la dernière flambée des prix. La hausse du prix du pétrole profite plus aux Etats Unis, en tant que premier producteur mondial, qu’aux pays émergents. L’effet richesse normalement induit par cette hausse ne peut donc se diffuser avec l’intensité attendue.
Il convient de souligner également la contradiction entre les marchés actions et les marchés de taux tout au long de ces premiers mois de l’année. Les boursiers sont restés insensibles à la hausse des taux américains malgré le franchissement de la barre fatidique de 3%, tout comme ils ont marqué leur indifférence à l’effet d’entraînement sur les taux à long terme européens que l’on a pu observer.
La résistance des bourses s’explique par l’indifférence des investisseurs au contexte géopolitique tendu, leur indifférence au scepticisme vis-à-vis de la résistance de l’économie américaine fondé sur la conviction que la politique tant économique que diplomatique du nouveau président est illisible dans le meilleur des cas, stupide selon les experts les plus hardis.
Cette indifférence se vérifie dans l’absence de réaction à la multiplication de signaux faibles comme le dévissage de la livre turque, la fragilité avérée des économies émergentes, les nombreuses alertes des autorités financières de plusieurs pays tout comme des institutions internationales, BRI et consœurs, la bulle immobilière dans certains pays. On pourrait en citer bien d’autres tant la liste est longue.
La fragilité et la nervosité sont généralisées et ne sont pas circonscrites à l’euro-dollar et aux marchés actions de la zone euro.
Beaucoup de signaux faibles, auxquels les équipes de Covéa Finance ne sont pas indifférents, laissent craindre une forte volatilité appelée à durer sur fond de nervosité croissante des acteurs face à l’orientation des banques centrales et en particulier de la FED tant la dépendance au financement en dollar de l’économie mondiale est forte.
L’Italie peut être un détonateur mais pas la cause profonde des difficultés que les marchés financiers pourraient bien affronter. Les avis de tempête n’empêchent pas les plus hardis de naviguer quand des nécessités impérieuses l’exigent.
Les taux d’intérêt européens du cœur de la zone euro ne rémunèrent pas les risques. Le choix actions reste le nôtre mais nous avons préféré prendre des bénéfices sur des valeurs très présentes dans les indices dont elles accompagnaient la hausse. Nous sommes prêts à nous renforcer sur des replis de marché plus significatifs avec des portefeuilles solidement ancrés sur des valeurs de long terme. Il faut attendre que tous les éléments d’inquiétude soient pris en compte par les intervenants qui, pris par surprise, devraient réagir vivement et avec excès, ce dont nous sommes prêts à profiter.
Eclairage sur la situation italienne - 31/05/2018 (pdf - 744.46 Ko)Rédigé par
Covéa Finance
Achevé de rédiger le 31/05/2018
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