Italie : Une coalition difficile à former
Le 1er mars dernier, nous vous avions proposé dans le cadre de la publication d’un de nos Focus Pays un regard détaillé sur l’économie italienne.
Cette publication précisait, dans une partie dédiée et à quelques jours d’un scrutin législatif d’importance dans le pays, les enjeux et les incertitudes liées à cette échéance électorale. Dans ce document, nous revenons sur les récents évènements et développement sur la scène politique italienne à l’issue de ce scrutin, en proposant quelques clefs de lecture pour aborder et comprendre les enjeux et les risques liés à la formation d’un gouvernement de coalition majoritaire à la chambre des députés et également au Sénat. Les tractations, qui ont débuté au début du mois d’avril, n’ont théoriquement pas de limite de temps. Néanmoins, dans l’impossibilité de former une coalition majoritaire stable et dans le cas où des propositions de gouvernement n’arriveraient pas à obtenir le vote de confiance des deux chambres, de nouvelles élections pourraient être programmées au cours de l’année 2018. En attendant, le précédent gouvernement, mené par Paolo Gentiloni, reste en charge de la gestion des affaires courantes.
« Les élections législatives italiennes laissent place à une période d’incertitude importante relative à la formation d’un gouvernement de coalition »
Des résultats qui laissent place à l’incertitude
« Le paysage politique italien reste très fragmenté. Aucun parti ne possède à lui seul la majorité absolue »
Les résultats des élections législatives italiennes du 03 mars dernier ont confirmé la fragmentation du paysage politique italien. Comme précisé dans notre point de début mars, à l’issue de ces élections, aucun parti ne possède à lui seul, ou par le biais d’une coalition entre parti de même couleur politique (droite ou gauche), la majorité absolue des sièges à la chambre des députés (Camera) et au Sénat. A partir du résultat, différentes combinaisons sont possibles (présentées ci-dessous sans hiérarchie en termes de probabilité). Dans tous les cas de figure, la présence du Mouvement 5 étoiles (M5S) ou de la Ligue est nécessaire pour atteindre le seuil de la majorité absolue. Dans ces différents scénarii, des concessions importantes en termes de choix de personne ou de plateforme politique devront être faites par les parties prenantes, ce qui pourrait déboucher sur une période prolongée d’incertitude ou un gouvernement fragile.
Scénario 1 : M5S + Ligue : majorité simple dans les deux chambres (Sénat : 167 / Camera : 347) Cette coalition nécessitera des concessions sur la candidature au poste de Président du Conseil et sur la mise en œuvre du programme politique : dépenses sociales (M5S) versus choc fiscal (Ligue). Nous pourrions assister à un retour en arrière sur des réformes comme les retraites et Job act. Enfin ce type de coalition pourrait poser un risque de remise en cause de l’équilibre budgétaire du pays. C’est aujourd’hui entre ces deux partis que s’activent les discussions.
Scénario 2 : M5S et Parti Démocrate (PD) : majorité simple dans les deux chambres (Sénat : 161 / Camera : 333). Des concessions doivent être faites sur la candidature au poste de Président du Conseil en faveur de l’émergence d’une personne plus modérée, mais également sur la mise en œuvre du programme politique.
Scénario 3 : Coalition de droite + PD : majorité simple dans les deux chambres. Cette coalition appellera à des concessions sur la candidature au poste de Président du Conseil en faveur d’une personne plus modérée (exemple : Tajani) et également des concessions sur la mise en œuvre du programme politique.
Scénario 4 : Coalition de droite + M5S : majorité simple dans les deux chambres
Scénario 5 : Gouvernement d’union national ou technique avant de nouvelles élections
Des tractations qui débutent, et pourraient durer...
« A ce stade, le président de la République, S. Mattarella, a reconnu l’impossibilité de former un gouvernement »
Les 4 et 5 avril dernier, la période de consultation entre le Président de la République et les délégations des partis politiques représentés au Parlement italien ont débuté. Les principaux protagonistes qui à cette occasion ont rencontré le Président italien sont Luigi Di Maio (M5S), Matteo Salvini (Ligue), S. Berlusconi (Forza Italia) et Maurizio Martina (Parti Démocrate). Mercredi 4 avril, ce sont les présidents de chambre, qui ont été reçus par le Président de la République. L’élection des présidents des deux chambres du parlement italien a vu la nomination de R. Fico, membre du Mouvement 5 étoiles (M5S) à la tête de la Chambre des députés, et d’E. Alberti Casellati, issue de Forza Italia, pour le Sénat. Le 5 avril, le président de la République a reconnu qu'il n'était actuellement pas possible de former un gouvernement, et a annoncé une nouvelle série de consultations pour la semaine du 09 avril. Entre-temps, les partis politiques devraient se rencontrer et faire un état des lieux des négociations et formuler leurs exigences respectives. La période de consultation est incertaine et théoriquement sans date limite.
Dans le cadre de ces négociations, le Président de la république italienne, S. Mattarella, joue un rôle important. Il a en effet la responsabilité de nommer un Président du Conseil, l’équivalent du premier ministre. Cette nomination intervient généralement lorsqu’un candidat réussit à réunir une majorité de parlementaires en sa faveur. Le Président de la République a réaffirmé que le futur gouvernement de l’Italie devra respecter les engagements du pays au regard du traité de l’UE (questions fiscales et budgétaires) et de son statut de membre de l’OTAN (position envers la Russie)
Après sa nomination par le Président de la République, le Président du Conseil devra proposer une liste des postes de ministres pour la formation d’un gouvernement. Dans une période de dix jours après la liste des ministres, un vote de confiance se tiendra dans chaque chambre du Parlement italien (Chambre des députés et le Sénat). Ce vote se fait à la majorité simple dans chaque chambre. En attendant l’entrée en fonction du nouveau gouvernement, le précédent gouvernement, mené par Paolo Gentiloni, reste en charge de gérer les affaires courantes. Si la formation d’un gouvernement n’aboutit pas, le Président de la République peut, après consultation avec les présidents de chambre, dissoudre le Parlement italien. Dans ce cas de figure, les élections anticipées doivent se tenir dans les 70 jours suivants la dissolution des chambres.
Certains analystes politiques voient dans ces négociations un espace pour un gouvernement d’union nationale afin de réécrire une nouvelle loi électorale et de faire passer le budget 2019. Une nouvelle loi électorale suppose de refléter les nouveaux rapports de force et d’avantager le M5S et la Ligue à travers une possible prime de majorité (mais pas un système à deux tours puisque rejeté par la Cour constitutionnelle).
Néanmoins, la tenue d’élections régionales dans deux régions d’Italie fin avril pourrait ralentir les concertations entre les partis politiques. Par ailleurs, des élections municipales partielles se tiendront en juin.
Prises de position des partis politiques
« Une ligne de communication semble s’être ouverte entre la Ligue et le Mouvement 5 Etoiles. En absence d’accord, le chef de la Ligue se dit prêt à proposer au vote des deux chambres un gouvernement minoritaire »
Les chefs de file de la Ligue (M. Salvini) et du M5S (L. Di Maio) revendiquent le poste de Président du Conseil. L’un pour avoir été le vainqueur des suffrages au sein d’une coalition (37% des voix) et l’autre pour être le parti en tête (32%).
Dans les paroles, la coalition de droite semble vouloir rester unie mais des dissensions sont apparues entre le Forza Italia (FI) et la Ligue sur le nom du Président du Sénat et sur la stratégie à suivre puisque FI refuse de gouverner avec le M5S et réciproquement si S. Berlusconi reste le chef de file. Sur le papier, le rapport de force est à l’avantage de la Ligue qui a obtenu le plus de suffrages au niveau national et de sièges à la Chambre des députés (mais pas au Sénat).
Une ligne de communication semble s’être ouverte entre le M5S et la Ligue, de par une certaine entente sur le choix des présidents de chambre et par le fait que la Ligue semble accepter le principe d’un revenu universel de base si celui-ci est limité dans le temps (geste d’ouverture vers cette proposition du M5S).
Le Parti Démocrate (PD) exclut pour le moment une alliance avec la coalition de centre-droit ou le M5S. Le parti souhaite faire partie de l’opposition. Ce dernier est néanmoins en proie à des divisions internes suite à la démission de M. Renzi de la direction du PD entre Maurizio Martina, ancien ministre du gouvernement Renzi (assez proche de ce dernier) et Paolo Gentiloni, assurant le secrétariat par interim du parti depuis le 6 mars 2018. Le PD pourrait revoir sa position sur une éventuelle coalition avec le MS5 ou le centre-droit si ces derniers se résignent à choisir une personnalité plus modérée comme Président du Conseil.
En résumé :
- Le M5S et la Ligue sont ouverts à des négociations de coalition, mais le rôle de Berlusconi est un frein majeur
- M5S ne veut pas entrer dans une coalition avec le centre-droit dans la mesure où Berlusconi reste le leader du Forza Italia
- Forza Italia veut opposer son veto à une coalition avec le M5S et montre une préférence pour un dialogue avec le Parti Démocrate (PD)
- La Ligue rejette tout accord avec PD mais se dit prête au dialogue avec toutes les autres formations. En dernier recours, Matteo Salvini se dit prêt à former un gouvernement minoritaire
- Le parti Démocrate refuse de s'engager dans une discussion de coalition avec M5S ou le centre-droit et indique vouloir être dans l’opposition. Le repositionnement du PD se ferait si les chefs de file de la Ligue ou du M5S renoncent à leur candidature au poste de Président du Conseil.
Rédigé par
Thomas Foicik et Frédéric Kleiss
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