Brexit : Vers un décalage de la date de sortie ?

Réaction économique
Europe

A seulement un mois de la sortie du Royaume-Uni, prévue le 29 mars, le gouvernement britannique peine à fédérer la chambre des Communes derrière un projet commun.

La Première ministre britannique, qui tente de renégocier la solution de recours pour l’Irlande du Nord, a repoussé à deux reprises la date du prochain vote des parlementaires britanniques sur le texte final. C’est désormais le 12 mars, à seulement 18 jours de la sortie officielle, que les députés britanniques découvriront le texte issu des renégociations. Dans ce contexte, le spectre d’une sortie sans accord, qui fait aussi partie de la stratégie du gouvernement britannique, se fait de plus en plus présent.

Pour autant, et face à des députés majoritairement hostiles à une sortie sans accord, Theresa May a fait une concession en donnant à la chambre des Communes la possibilité de voter pour une extension de l’article 50, c’est-à-dire un décalage de la date de sortie, en cas de rejet du nouveau texte par le parlement.

Du côté de l’Union Européenne, cette éventualité ne fait pas totalement l’unanimité. Un décalage de la date de sortie sans alternative claire du gouvernement britannique n’apparaît ainsi pas opportun pour E. Macron. En matière d’alternative, celle du parti travailliste, qui vise à la mise en place d’une union douanière avec l’Union Européenne, n’a finalement pas été retenue par les députés britanniques. Le Labor défend désormais la tenue d’un second référendum, ce qui nécessiterait, a priori, un nouveau gouvernement.

Quoi qu’il en soit, le degré d’incertitude demeure maximum au Royaume-Uni. Dans ce contexte, l’investissement des entreprises, en recul continu en 2018, pourrait continuer de pâtir de la nappe de brouillard qui englobe l’avenir du pays depuis maintenant presque deux ans.

Le gouvernement britannique peine à fédérer les députés

« Le soutien de la frange la plus eurosceptique des conservateurs demeure difficile à obtenir »

Pierre Bossuet

Le 29 janvier, la chambre des Communes britanniques a voté en faveur de la stratégie de négociation du gouvernement britannique, consistant en une renégociation de la solution de recours pour l’Irlande du Nord. La victoire du gouvernement britannique n’aura toutefois été que de courte durée. Le 14 février, la chambre des Communes n’a pas renouvelé son soutien au gouvernement à l’occasion d’un second vote. La frange la plus eurosceptique du parti conservateur (les « Hard-Brexiters ») s’est abstenue de prendre part au vote. Les députés eurosceptiques craignent en effet que le gouvernement britannique rejette explicitement la possibilité d’une sortie sans accord et affaiblisse ainsi sa position dans les négociations.

T. May ouvre la voie à un décalage de la date de sortie

« Pour la première fois, la Première ministre donne la possibilité au parlement d’étendre l’article 50 »

Pierre Bossuet

Du côté du gouvernement britannique, les négociations avec l’Union Européenne ont continué de bloquer sur la question de la solution de recours pour l’Irlande du Nord. T. May, qui devait initialement présenter un nouveau texte au parlement britannique le 13 février, a reporté la date à deux reprises, au 27 février puis au 12 mars. La Première ministre reste ferme dans sa volonté de maintenir la déclaration politique sur les relations futures en l’état et dans les délais. Néanmoins, elle a tout de même montré des signes d’ouverture vers l’opposition : le 27 février, T. May a ainsi annoncé que les députés auraient désormais la possibilité de voter pour une extension de l’article 50, c’est-à-dire pour un décalage de la date de sortie, pour l’instant fixée au 29 mars. Ce faisant, la Première ministre s’est aliénée une partie des conservateurs à tendance eurosceptique. Un membre du gouvernement, G. Eustice, a ainsi annoncé sa démission, considérant qu’une extension de l’article 50 serait une « humiliation » pour le Royaume-Uni.

Le processus utilisé pour décaler la date de sortie reprend celui de l’amendement dit « Cooper », un amendement déposé par l’opposition. Le 12 mars, lors de la présentation du nouveau texte issu des négociations, si tant est qu’il y en ait un, les députés britanniques effectueront un vote en trois étapes. Premièrement, ils voteront pour le nouvel accord de retrait. S’ils le rejettent, ils seront, dans un deuxième temps, consultés sur leur volonté de quitter l’Union Européenne sans accord le 29 mars. Et enfin, s’ils ne souhaitent pas quitter l’Union Européenne sans accord, ils pourront voter pour une extension de l’article 50. Ce décalage sera de courte de durée et ne pourra pas, d’après T. May, s’étendre au-delà du mois de juin. La Première ministre a rappelé qu’elle ne souhaitait pas que le Royaume-Uni participe aux élections européennes, ce qui serait une obligation si les Britanniques restaient membres de l’Union Européenne au-delà du 2 juillet. En effet, cette date marque la première séance plénière du parlement européen qui sera élu lors des élections du 23-26 mai. A cet égard, la capacité du Royaume-Uni a étendre le délai au-delà du 23-26 mai reste d’ailleurs, et en dépit des déclarations de T. May, une source d’interrogation.

La chambre des Communes n’a pas voté pour une solution alternative

« La proposition du parti travailliste, visant à la mise en place d’une Union Douanière, n’a pas été retenue »

Pierre Bossuet

Le 27 février, un nouveau vote sur la stratégie de négociation du gouvernement s’est tenu à la chambre des Communes. Comme lors des votes précédents, les députés ont eu l’opportunité de voter pour des amendements légalement non-contraignants. Seuls deux amendements ont été retenus, le premier vise à assurer la continuité des droits des citoyens européens même en cas de sortie sans accord. Le second a pour but de s’assurer que la promesse de T. May soit respectée. Il s’agit de l’amendement « Cooper » dont est issue la proposition de la Première Ministre.

En revanche, et encore une fois, aucune solution alternative ne semble avoir fait consensus. L’amendement présenté par le parti travailliste et visant à promouvoir une solution alternative au plan du gouvernement britannique a été rejeté. Cette proposition, résumée par le leader du parti, J. Corbyn, dans une lettre publiée au début du mois, consistait notamment en la mise en place d’une Union Douanière entre l’Union Européenne et le Royaume-Uni. L’échec du parti travailliste à mettre en avant sa propre version du Brexit n’est pas sans conséquence puisque J. Corbyn a annoncé qu’il s’engagerait désormais à défendre un second référendum. C’est une nouveauté dans la mesure où la position du leader du Labor était jusqu’alors plutôt ambiguë sur la question. A l’heure actuelle, il apparaît néanmoins difficile de réunir une majorité en faveur d’un second référendum (les amendements allant dans ce sens n’ont pas été retenus lors des votes précédents).

Une extension de l’article 50 ? Oui, mais pourquoi ?

« Une extension de l’article 50 ne fait pas l’unanimité au sein des pays membres de l’Union Européenne »

Pierre Bossuet

Du côté de l’Union Européenne, la possibilité d’un décalage de la date de sortie ne fait pas l’unanimité. Pour rappel, une extension de l’article 50 nécessite un vote à l’unanimité du Conseil Européen. Donald Tusk, président du Conseil Européen, a déclaré qu’un décalage de la date de sortie apparaissait comme la chose la plus rationnelle à faire en l’absence de majorité à la chambre des Communes et afin d’éviter une éventuelle sortie sans accord. En revanche, E. Macron s’est montré moins favorable à cette idée, estimant qu’une éventuelle extension de l’article 50 n’aurait de sens que si le gouvernement britannique était en mesure de présenter une alternative claire et concrète.

Au final, une extension de l’article 50 ne constitue pas une fin en soi. Si l’Union Européenne consent à décaler la date de sortie, cela sera sûrement pour aboutir à une solution précise. En la matière, on peut imaginer différents types de scénario. Tout d’abord, une extension de quelques mois, ce que défend la Première ministre britannique, vise à donner au gouvernement britannique le temps de gagner le soutien de la chambre des Communes tout en laissant ouverte la possibilité d’une sortie sans accord, ce qui permettrait de maintenir la pression sur les députés britanniques. Au-delà de la stratégie gouvernementale, une extension courte risque d’être nécessaire ne serait-ce que pour laisser à la chambre des Communes le temps d’accomplir le processus législatif qui suivrait un vote en faveur de l’accord de retrait.

Une autre possibilité serait de décaler la date de sortie afin de se préparer le mieux possible à une sortie sans accord. Il s’agirait en quelque sorte d’une très courte période de transition vers une sortie sans accord (qui, paradoxalement, nécessiterait tout de même une forme d’accord avec l’Union Européenne).

Enfin, une dernière option serait une extension à plus long terme : neuf mois, ce que préconisait l’opposition travailliste, voire deux ans, une option qui, selon des rumeurs de presse, aurait été évoquée parmi les officiels européens. Une extension d’une telle durée apparaît, pour l’instant, peu probable. Elle signifierait que le Royaume-Uni participerait aux élections européennes, ce que T. May souhaite ardemment éviter. Une telle option pourrait toutefois être envisagée si le Royaume-Uni tenait un second référendum sur le Brexit, ce qui nécessiterait, a priori, un nouveau gouvernement et probablement des élections générales.

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Rédigé par

Pierre Bossuet

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