Suède : cycle économique favorable, mais le secteur immobilier est un facteur de risque

Réaction économique
Union Européenne

La Suède a bénéficié sur le début des années 2000 d’un environnement économique relativement dynamique, illustré par un rythme de croissance moyen supérieur à 3%.

Après une période de récession en 2008, la croissance s’est largement reprise, permettant au PIB de retrouver puis de dépasser rapidement son niveau d’avant crise. La Suède bénéficie d’un cycle économique favorable : la demande domestique est robuste, portée en premier lieu par l’investissement résidentiel, mais également par les investissements en équipements des entreprises et la consommation. L’environnement des affaires est propice, et le positionnement industriel du pays, la baisse de la couronne sur les dernières années, le taux d’ouverture élevé et les liens commerciaux avec l’Union Européenne lui permettent de bénéficier à plein de la reprise des échanges commerciaux mondiaux. Dans ce contexte, l’inflation a légèrement dépassé la cible de la banque centrale. Toutefois, les salaires, qui restent modérés, et l’évolution de la devise (en réaction à la politique de la BCE) contraignent la normalisation monétaire. Cet environnement de taux faible a soutenu le secteur immobilier résidentiel et a accentué l’endettement déjà élevé des ménages, fragilisant le socle de croissance. Des mesures réglementaires ont été mises en place pour contraindre cet endettement, et une modération récente des prix immobiliers résidentiels est à souligner. Cette normalisation bienvenue ne sera toutefois pas sans impact pour la croissance.  

La dynamique de l’économie suédoise en un regard

« L’économie suédoise bénéficie d’un cycle économique favorable. Toutefois, la normalisation de la politique monétaire est contrainte, et le secteur immobilier et l’endettement des ménages sont des facteurs de risque pour la croissance »

Marie Thibout

La croissance suédoise évolue sur des rythmes solides

Après avoir enregistré des rythmes de croissance très dynamiques en 2015, la croissance suédoise évolue sur des niveaux solides, à 3% au deuxième trimestre 2017. Elle est portée par la demande domestique, et notamment par l’investissement résidentiel, et ce depuis 2013. Ce dernier enregistre un taux de croissance de 22% sur le deuxième trimestre 2017, et bénéficie de rythmes de croissance à deux chiffres depuis la fin d’année 2013. L’investissement en équipement des entreprises et la consommation des ménages ne sont pas en reste, et progressent sur des rythmes annuels de respectivement 6% et 3%. La contribution des échanges commerciaux est très mesurée, la reprise de la demande domestique poussant les importations qui enregistrent un taux de croissance légèrement supérieur à celui des exportations. Par secteurs, les services immobiliers et de construction sont les plus dynamiques, mais on constate une contribution solide de la plupart des secteurs : les activités scientifiques et la distribution constituent un socle de croissance récurrent, et le secteur manufacturier enregistre une reprise sensible. Ce dernier profite vraisemblablement de l’amélioration de la conjoncture globale et de la reprise des échanges commerciaux, d’autant plus que l’économie suédoise, très ouverte (taux d’ouverture supérieur à 46%) est exposée relativement directement au cycle mondial. 

L’environnement des affaires est propice, et la confiance des entreprises évolue sur des points hauts. La production industrielle se reprend depuis le début de l’année, et est portée en premier lieu par l’industrie automobile, mais également par les secteurs des combustibles minéraux, du bois et du papier, des métaux travaillés et dans une moindre mesure des machines et équipements. Ces secteurs font partie des premiers postes d’exportations en Suède, et bénéficient donc de la hausse de la demande mondiale, mais également de la dépréciation sensible de la couronne suédoise contre un panier de 61 devises depuis l’année 2014. De fait, les exportations suédoises sont dynamiques, enregistrant des rythmes de croissance proches de 8% en septembre (moyenne sur les trois derniers mois). Exposées sensiblement à l’Union Européenne et notamment à l’Allemagne, elles profitent de l’amélioration conjoncturelle de cette zone. 

Toutefois, le retrait de la devise et le dynamisme de la demande interne ont entraîné une certaine vigueur des importations, qui s’est traduite par l’apparition d’un déficit commercial depuis l’année 2016. L’excédent du compte courant se maintient sur des niveaux confortables (supérieur à 4% du PIB à la mi 2017) grâce au dynamisme de l’excédent de la balance des services. 

La consommation des ménages tient : si le rythme de croissance des ventes au détail ralentit en début d’année, il s’établit aujourd’hui sur des niveaux de proches de 4%, et le rythme de croissance des nouvelles immatriculations, bien qu’en ralentissement, reste solide en moyenne. La hausse de l’emploi (sur des points hauts), et la baisse du taux de chômage à 6,8% en septembre, soit un niveau s’approchant du point bas du début des années 2000, soutiennent la consommation, sans toutefois créer de moteur d’accélération supplémentaire. En effet, la croissance des salaires nominaux reste encore faible et se modère même, sur des niveaux légèrement supérieurs à 1%. Les négociations salariales menées en début d’année 2017 ont abouti dans l’industrie à un accord de hausse des salaires toujours modérée : de 2% chaque année pendant 3 ans (hausse de 6,5% sur trois ans, contre une progression de 6,8% sur trois ans en 2013), les industriels suédois souhaitant conserver leur compétitivité, et de fait, contenant la croissance du coût unitaire du travail. Cet accord concerne environ 500 000 personnes, et constitue un étalon pour les négociations dans les autres secteurs.  Dans ce contexte, la croissance du revenu disponible ralentit quelque peu. L’épargne des Suédois étant en hausse, l’un des soutiens à la consommation provient de la hausse des crédits à la consommation, qui retrouvent des rythmes de croissance proches de ceux d’avant crise (8% en rythme annuel). 

La politique monétaire suédoise est contrainte par la BCE 

L’environnement de taux bas a été favorable au cycle économique, soutenant les crédits. La politique monétaire reste très accommodante en dépit des données d’activité bien orientées et de l’inflation au-delà des objectifs de la banque centrale. Depuis février 2016, le taux directeur a été maintenu à  –0,5% et un programme d’achat a été introduit début 2015. Ce dernier a été progressivement réduit dès la mi-2016, mais les salaires contenus et la politique monétaire de la BCE contraignent l’évolution la normalisation de la politique monétaire suédoise : les membres du comité de politique monétaire redoutent que la différentiation de politique monétaire entre les deux zones conduise à une appréciation de la devise, et donc à une baisse de l’inflation en retour. De ce fait, la banque centrale pourrait envisager en décembre une reconduite de son programme d’achat sur le premier semestre 2018, au vu de la décision de la BCE de poursuivre ses achats jusqu’en septembre 2018.  

Marché immobilier et hausse de l’endettement des ménages

D’un point de vue structurel, la faiblesse des taux d’intérêt sur les dernières années a soutenu le secteur de l’immobilier résidentiel suédois. La majorité des nouveaux crédits étant accordée à taux variables, la normalisation de la politique monétaire pourra être coûteuse en terme de croissance et d’investissement. La politique monétaire est donc également contrainte par ce phénomène. L’endettement des ménages suédois est source de vulnérabilité, représentant 165% du revenu disponible brut (à comparer à un taux de 87% en France par exemple). Cette faiblesse est à nuancer dans la mesure où les ménages détiennent des actifs financiers importants (assurances, fonds de pension, actions), et que leur richesse financière nette est conséquente (394% de leur revenu disponible). D’autre part, la forte demande immobilière n’est vraisemblablement pas seulement liée à un épisode spéculatif : selon le Bureau National du Logement, en 2016, plus de 80% des villes suédoises souffraient d’une pénurie de logement et leur nombre allait croissant. Ce phénomène peut être expliqué par un manque de main d’œuvre dans le secteur de la construction, mais également par un rythme de croissance de la construction résidentielle beaucoup plus faible que celui de la population dans les années 2000. Selon le Bureau National du Logement (analyse réalisée en 2016), d’ici 2025, 710 000 logements auraient besoin d’être construits pour pallier les pénuries. En 2015, le gouvernement a annoncé un plan de construction de 250 000 logements à horizon 2020.  Des mesures réglementaires ont été mises en place pour contrer l’endettement croissant des ménages : un ratio maximum d’endettement par rapport au prix du bien acheté a été introduit en 2010, à 85%, tandis que les emprunteurs dont le ratio précédent est supérieur à 50% doivent depuis l’année 2016 amortir un montant minimum chaque année, et ce dès la première année. De fait, selon l’autorité de supervision financière de la Suède, le montant moyen annuel amorti par les ménages ayant contracté un nouveau prêt hypothécaire a sensiblement augmenté en 2016. D’autre part, on constate une récente modération des prix immobiliers depuis le début d’année 2017. Ce récent début de normalisation du secteur immobilier ne sera toutefois pas sans impact sur la croissance. 

Télécharger - Suède : cycle économique favorable, mais le secteur immobilier est un facteur de risque (pdf - 652.69 Ko)
Rédigé par

Marie Thibout