BCE : premier pas vers la normalisation

Réaction économique
Zone Euro

A l’issue de leur réunion de politique monétaire, les gouverneurs de la banque centrale européenne (BCE) ont décidé de procéder à une première étape de normalisation de la politique quantitative.

Ce premier pas, volontairement prudent et théoriquement réversible, prévoit de réduire le volume d’actifs acheté chaque mois dans le cadre de son programme d’achat d’actifs (APP). Dans sa communication, la BCE a choisi d’offrir de la visibilité sur son action : le rythme d’achat mensuel passera donc de 60Mds€ à 30Mds€ dès le début d’année, et ce jusqu’au mois de septembre 2018. A cette date, le programme sera de nouveau « calibré » selon les nouvelles informations à disposition des gouverneurs. La principale certitude est donc que le bilan de la BCE continuera de croître a minima jusqu’en septembre. La taille du bilan sera alors inédite et pourrait atteindre 4700Mds€, plus de 40 % du PIB de la Zone euro. Après la Réserve Fédérale, pionnière en la matière au cours de l’année 2015, la BCE s’autorise donc à retirer un peu de son stimulus monétaire. Toutefois, le chemin à parcourir avant d’engager un processus complet de normalisation de son action, c'est-à-dire de relever ses principaux taux directeurs, paraît encore long. 

Evolution future du programme d’achat d’actifs (APP)

« La BCE a décidé de réduire le volume mensuel de ses achats d’actifs de 60 à 30Mds€ et étend son programme quantitatif au moins jusqu’en septembre 2018 »

Thomas Foicik

Un retournement de politique monétaire tout en prudence

Cela faisait longtemps qu’une réunion de politique monétaire de la BCE n’avait suscité autant d’intérêt de la part des intervenants de marché. Après plusieurs semaines passées à préparer le terrain à travers de multiples interventions verbales, la BCE a donc annoncé son intention de réduire de manière prédictible son stimulus monétaire dès le début d’année 2018. Ce faisant, elle franchit une étape délicate dans la normalisation de sa politique quantitative hors norme mise en place sous la présidence de M. Draghi. Dans un premier temps, c’est le programme d’achat d’actifs (APP) qui va être « recalibré » de telle sorte que le montant mensuel d’actifs achetés par les banques centrales de l’Eurosystème va diminuer au cours de l’année 2018. Ainsi, dès le mois de janvier 2018, le montant net acheté mensuellement dans le cadre du programme d’achat d’actifs (APP) passera de 60Mds€ à 30Mds€ par mois, et ce au moins jusqu’en septembre 2018. Cela correspond à une extension de 9 mois du programme quantitatif. Par ce choix, la BCE a privilégié la durée à la cadence d’achat, ainsi que la cohérence avec son mandat puisque la perspective d’un retour à la cible d’inflation (proche mais en dessous de 2 %) semble encore lointaine, au plus tôt en 2020 selon les projections de septembre dernier (cf. graphique ci-contre). Selon Mario Draghi, le Président de la BCE, l’inflation sous-jacente, mesure principale des pressions de prix domestiques, n’a pas encore montré une tendance haussière convaincante, même si les signaux récents sur les salaires laissent augurer d’une légère amélioration, bien qu’encore très localisée à certains pays et secteurs d’activité. 

En plus du volume net acheté chaque mois, la BCE continuera de réinvestir les tombées sur les titres arrivant à maturité et s’engage à maintenir ces réinvestissements pour une période prolongée après la fin des achats nets. A ce moment, les réinvestissements permettront de maintenir stable la taille de son bilan, comme ce fut le cas de la Réserve Fédérale jusqu’à peu. Dans sa communication, la BCE se garde bien de faire un lien entre la durée de la politique de réinvestissements et l’évolution future des taux directeurs, qui ont été laissés inchangés lors de cette réunion et devraient, selon l’institution, rester à leur niveau actuel pour une période de temps prolongée, et bien au-delà de l’horizon des achats nets d’actifs. 

La BCE a donc choisi de maintenir le mode de communication qu’elle avait instaurée depuis janvier 2015 en mentionnant aux investisseurs à la fois un flux mensuel d’achat et une indication temporelle, révisable en temps utile. Le Conseil des gouverneurs insiste sur le caractère prudent et flexible de son action en soulignant sa capacité à accroître à nouveau les achats mensuels de titre si la situation économique se dégrade ou que les conditions financières et monétaires se détériorent de manière injustifiée au point de remettre en cause la soutenabilité de la trajectoire de l’inflation vers sa cible. Durant la conférence de presse, M. Draghi n’a pas apporté de précisions sur la composition des actifs qui seront achetés sur l’année 2018 si ce n’est sur le fait qu’elle continuera d’acquérir un montant assez important de titres d’entreprises privées (programme CSPP). En effet, les titres obligataires émis par les Etats dans le cadre du programme PSPP ont, pour l’heure, représenté l’essentiel du programme d’achat APP, environ 80 % des achats d’actifs depuis le lancement en 2015 (cf. graphique ci-contre). Par ailleurs, M. Draghi a, une nouvelle fois, écarté l’idée que la BCE pourrait avoir des difficultés à mener à bien son programme en raison de la pénurie d’actifs disponibles du fait des règles qu’elle s’est imposée : clé de répartition par pays, limite d’achat sur chaque titre.

Parmi les autres annonces de la journée, l’autorité monétaire a également décidé de prolonger les modalités actuelles pour ses opérations de refinancement à 7 jours et 3 mois. La politique de fourniture en liquidité de ces opérations se fera donc toujours à taux fixe et pour l’intégralité des montants demandés, et ce jusqu’à la fin de l’année 2019 ce qui offre de la visibilité aux banques en termes de refinancement. Là encore, la banque centrale s’abstient de mettre en relation la prolongation de cette politique de liquidité et l’évolution future des taux directeurs, qui semble-il, sera un débat plutôt pour l’année 2019.

Un parallèle avec l’action de la Réserve Fédérale

A bien des égards, l’expérience récente de la Réserve Fédérale américaine (Fed) peut servir de modèle et offrir des repères temporels afin d’apprécier la séquence de normalisation de la BCE.  Esquissée dès le mois de mai 2013 et effective à partir de décembre 2013, la période de réduction du flux mensuel acheté dans le cadre de son programme d’achat d’actifs (quantitative easing 3), autrement appelé tapering, aura duré jusqu’en octobre 2014, soit 10 mois. Durant ce laps de temps, la Réserve Fédérale avait réduit chaque mois, par incrément de 10Md$, le volume de ses achats de titres obligataires de l’Etat américain et de MBS (créances adossées à des prêts hypothécaires). Ce n’est qu’un an après l’arrêt des achats nets (hors réinvestissements) que la Réserve Fédérale avait pris la décision de relever son principal taux directeur, de 25 points de base, le 16 décembre 2015. Plus récemment, après quatre hausses de taux, la Fed s’est résolue à réduire progressivement les réinvestissements des titres arrivant à maturité. Ce processus, qui amènera à une réduction de la taille du bilan de la Fed, a débuté en octobre 2017. 

On comprend mieux, à la lumière de cette expérience, que la voie dans laquelle s’est engagée la BCE n’est donc qu’une première étape et que le processus de normalisation de sa politique monétaire s’inscrit plutôt dans le temps long. Contrairement à la Fed, la BCE aura en plus à gérer la normalisation de sa politique de taux négatif puisque le taux sur la facilité de dépôt se situe, à l’heure actuelle, à –0,4 %. Il réside une interrogation sur le fait qu’un relèvement de ce taux puisse intervenir avant ou après la fin des achats nets d’actifs. Par le passé, certains membres de la BCE ont mis en avant les effets adverses d’une période prolongée de la politique de taux négatif, en particulier sur les marges et la profitabilité du secteur bancaire. 

Enfin, la BCE tient à modifier sa communication autour des réinvestissements des titres arrivant à échéance. A partir du 6 novembre 2017 et à une fréquence mensuelle, la BCE fournira une estimation des montants des réinvestissements sur les différents programmes de l’APP (PSPP, CSPP, ABSPP et CBPP3). La BCE motive cette décision par la nécessité de transparence auprès des intervenants de marché. Pour le programme d’achat d’actifs publics (PSPP), la BCE indique vouloir, dans la mesure du possible, réinvestir les tombées durant le mois ou les deux mois suivants au gré des conditions de marché. 

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Rédigé par

Thomas Foicik

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