Allemagne : les propositions des principaux candidats avant les élections fédérales
EN BREF
- Après le résultat des élections française et britannique, le cycle électoral se poursuit en Europe avec la tenue des élections fédérales allemandes, le 24 septembre prochain. Ces élections décideront de la composition du Parlement (Bundestag) et du visage du prochain Chancelier de la République fédérale d’Allemagne.
- En amont de cet évènement, dont l’issue aura une incidence qui débordera du simple cadre national, nous proposons dans cette réaction de mettre en lumière les programmes électoraux des deux principaux partis politiques, le Parti social-démocrate (SDP) et l’Union Chrétienne Démocrate (CDU-CSU).
- Avec un solde budgétaire à l’équilibre et un endettement public nominal qui diminue depuis 2014, le gouvernement de la prochaine législature aura à sa disposition des marges de manœuvre plus importantes que la plupart des pays de la Zone euro. Cette situation favorable semble avoir été prise en compte à la lecture des programmes électoraux. Ainsi le SPD et la CDU-SCU s’engagent tous deux dans le sens d’un allègement de la fiscalité des ménages, d’un accroissement des dépenses d’investissement public et des prestations sociales.
- De fait, l’accent semble être mis sur une redistribution des richesses en mesure d’altérer le modèle allemand dans le sens d’une croissance plus inclusive alimentée davantage par la demande intérieure et, notamment par la consommation des ménages. Par ce choix, les partis politiques vont dans le sens des recommandations émises par certaines institutions internationales (FMI, Commission européenne) sur le besoin de soutenir la demande domestique : un arbitrage qui se fera probablement au détriment de la balance commerciale des biens, qui reste à ce jour largement excédentaire (250Mds€ en 2016, soit plus de 7% du PIB).
La réduction de la fiscalité des ménages au centre des programmes électoraux
Les programmes électoraux, présentés par le SPD de M. Schulz et la CDU-CSU d’A. Merkel lors des deux dernières semaines, font la part belle à la thématique de la fiscalité. Sur ce point précis, le principal point de convergence concerne l’engagement des deux partis à proposer un allègement de l’imposition sur le revenu des ménages d’un ordre de grandeur similaire autour de 15Mds€ (tableau récapitulatif ci-dessous).
Pour les deux partis, cette réduction de l’impôt sur le revenu passerait par un relèvement de la tranche d’imposition la plus élevée. Pour le parti d’Angela Merkel, le seuil d’imposition à 42% serait atteint à partir d’un revenu déclaré de 60 000€ par an (contre 52 000€ actuellement) tandis que, pour la SPD, ce dernier atteindrait 76 200€ par an mais à un taux nominal relevé de trois points de pourcentage, à 45%. Le parti, représenté par M. Schulz, prévoit également un taux d’imposition exceptionnel à 48% pour les revenus annuels au-delà de 250 000€. La différence entre les deux partis tient donc au fait que le SPD prévoit d’augmenter la charge fiscale pour les ménages les plus aisés. L’imposition sur le revenu touche plus de 80% des ménages allemands (contre 50% en France) et est prélevé à la source. Sur la « contribution de solidarité », prélèvement fiscal introduit en 1991 pour financer la reconstruction économique des Länder de l’ex-RDA, les deux partis politiques cités précédemment souhaitent voir le poids de cet impôt diminuer dans le temps. Dans la proposition de la CDU-CSU, cette taxe complémentaire de 5,5% sur le revenu serait abolie par étape, à un rythme de 4Mds€ par an, à partir de 2020. Pour le SPD, cette taxe serait abolie uniquement pour les ménages dont le revenu ne dépasse pas 52 000€ par an.
Enfin, aucun ajustement de la fiscalité sur le patrimoine ou sur la transmission du patrimoine n’est évoqué par la CDU-SCU alors que M. Schulz n’exclut pas l’introduction d’un impôt sur la fortune (ces dernières déclarations faisant plutôt état de la mise en place d’une commission chargée de cette proposition) et que le parti écologique « Die Grünen » en fait explicitement mention dans son programme politique. Sur ce sujet, il est notable de revenir sur le fait que l’impôt sur la fortune avait été suspendu en Allemagne dès 1997, suite à une décision de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe datant de 1995. Dans cette décision, la plus haute juridiction allemande exigeait une uniformisation de l’imposition entre les biens immobiliers et mobiliers au titre du principe d’égalité.

De fait, selon l’OCDE, l’imposition sur la propriété représentait 1% du produit intérieur brut (PIB) en Allemagne en 2015 (graphique ci-dessus), un chiffre nettement en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE (environ 2% du PIB) et de la France (autour de 4% du PIB en 2015). L’autre spécificité de la fiscalité sur le patrimoine tient au champ d’exonération plus large au regard de la transmission des entreprises et des plus-values mobilières. Ce choix historique de compétitivité fiscale sur les entreprises, répondant à la plus forte mobilité des capitaux dans la globalisation financière, ne semble pas remis en cause par les deux principaux partis politiques.
Des propositions en nombre sur le volet social
Une constante que l’on retrouve à la fois dans les propositions des deux candidats à la chancellerie, même si cette dernière est plus perceptible dans le programme du SPD, est le souhait de renforcer les dispositifs de protection sociale et de politique familiale.
Du côté d’A. Merkel, le projet électoral prévoit de revaloriser les allocations familiales. En effet, l’allocation versée par enfant serait augmentée de 25€ par mois, passant de 192€ à 217€. Le montant annuel de l’abattement fiscal maximal relatif au nombre d’enfants à charge serait également relevé. Enfin, le parti CDU-CSU souhaiterait faciliter l’accès à la propriété immobilière en introduisant un subside à l’achat pour les primo-accédant qui prendrait la forme d’une aide financière de 1200€ par an et par enfant sur une période maximale de 10 ans. Cette mesure vise à accroître le taux de propriétaire en Allemagne qui reste faible (proche de 50% en 2015 selon Eurostat) en comparaison de certains pays européens. Au regard du marché du travail, A. Merkel souhaite capitaliser sur les réformes passées (législations Hartz introduites depuis 2003) et fixe un objectif de plein emploi en 2025 défini comme un taux de chômage inférieur à 3% de la population active (contre 5,8% actuellement). Son projet évoque une modernisation de législation sur le temps de travail, concertée avec les partenaires sociaux, afin d’introduire davantage de flexibilité sur les plages hebdomadaires de travail. Enfin, la CDU-CSU ne prévoit aucune modification au système de retraite mais souhaite la mise en place d’une commission, dès 2019, en charge de faire des propositions pour la période post-2030.
De l’autre côté, la plateforme politique de M. Schulz est plus offensive sur la question sociale. Sur le marché du travail, le SPD oriente son projet autour d’une extension du filet de protection sociale. Ainsi le parti souhaiterait limiter l’usage des contrats précaires (mini-job, midi-job 1) dans les entreprises, étendre l’éligibilité et la durée des allocations chômage, notamment pour les individus en formation professionnelle, faciliter l’accès à des contrats à temps plein pour les salariés à temps partiel et réduire le nombre d’exemptions au régime du salaire minimum . Sur la politique familiale, M. Schulz prévoit de relever le montant des allocations par enfant, en particulier si les deux parents disposent d’un emploi à temps partiel. A l’instar de la CDU-CSU, le SPD propose une extension des journées scolaires afin d’assurer l’accueil des élèves l’après-midi dans les établissements scolaires. Par contre, M. Schulz s’engage à rendre la scolarité gratuite de la garderie à l’université. En matière de retraite, le SPD prévoit de maintenir le taux de remplacement (pourcentage du revenu d’activité que conserve un salarié lorsqu’il fait valoir ses droits à la retraite) à 48% du salaire moyen jusqu’en 2030, de maintenir l’âge de départ à 67 ans et de limiter le niveau des cotisations, réparties entre le salarié et l’employeur, à 22% du salaire d’ici 2030.
Un consensus autour d’une relance de l’investissement public
Un autre point commun entre les deux programmes électoraux porte sur le volet des dépenses publiques. Sur cette thématique, les deux partis s’accordent sur la nécessité d’accroître les ressources allouées au renouvellement des infrastructures et à l’innovation. Sur le plan quantitatif, leur programme converge sur une augmentation des dépenses en recherche et développement (R&D) représentant 3,5% du PIB (contre 3% à l’heure actuelle) et une hausse des effectifs des forces de l’ordre (15 000 policiers sur la mandature).
A. Merkel annonce un programme de soutien à l’investissement public de 12Mds€ sur quatre ans ciblé sur les dépenses d’infrastructure ainsi que sur l’économie numérique et relance l’idée d’un grand projet industriel européen (avec la France) autour de l’intelligence artificielle. En parallèle des mesures de soutien aux primo-accédants sur l’immobilier, elle se fixe l’objectif de construire 1,5 millions de nouvelles habitations entre 2017 et 2021. Enfin, A. Merkel prévoit une montée en puissance des dépenses militaires qui devraient atteindre 2% du PIB à horizon 2024.
M. Schulz propose, pour sa part, un plan d’investissement de 30Mds€ (1% du PIB) sur quatre ans à destination des infrastructures, des écoles et des transports, sans que davantage de précisions ne soient apportées, mais ne prévoit pas un accroissement du budget militaire dans le même ordre de proportion que ce que propose la candidate de la CDU-CSU. Comme A .Merkel, il propose une augmentation conjointe entre le budget militaire et de l’aide au développement.
Des points de divergence sur l’orientation de la politique européenne
La ligne de démarcation entre les deux partis est plus évidente sur l’intégration européenne et les relations internationales. A. Merkel apporte son soutien à l’OTAN mais veut qu’une force armée européenne soit constituée progressivement tandis que M. Schulz se montre plus réservé sur la course à l’armement au sein de l’OTAN.
Au regard du processus d’intégration au sein de la zone euro, la candidate CDU-CSU affiche son opposition ferme à toute initiative de mutualisation de la dette publique mais ne ferme pas la porte à la constitution d’un fonds monétaire européen afin d’améliorer la gestion des déséquilibres économiques et financiers au sein de l’Union monétaire. M. Schulz souhaite aller plus loin dans l’intégration de la zone monétaire en proposant la constitution d’un budget, financé par la taxe sur les transactions financières, et en créant une capacité d’investissement à l’échelon européen dans l’éducation et l’emploi afin d’harmoniser les normes et les conditions de travail et d’assurer un salaire « décent » au sein de la zone. M. Schulz privilégierait également une lecture plus souple des règles budgétaires du pacte de Stabilité et de Croissance. Enfin, le dernier point qui fait consensus entre les deux formations politiques est l’harmonisation progressive de la fiscalité au sein de l’Europe.
1 Les mini-jobs, midi-jobs désignent des contrats à salaire modeste, qui correspondent à un faible nombre d'heures travaillées et sont soumis à des cotisations sociales nulles ou réduites. Un salarié en mini-job ne peut pas prétendre au droit au chômage, au droit à l'assurance-maladie mais peut s'acquitter d'une cotisation retraite optionnelle. 2 L’entrée en vigueur du salaire minimum en janvier 2015 prévoyait un certain nombre d’exemptions pour les chômeurs de longue durée pendant les six premiers mois d’emploi et pour des secteurs ayant besoin d’un délai d’adaptation (agriculture, industrie textile à l’Est de l’Allemagne, livraison de journaux, industrie de la viande, coiffure, etc.) Certaines de ces exemptions ont pris fin en janvier 2017.

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Rédigé par
Thomas Foicik
le 7 juillet 2017
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